Le baiser de la mort
- André Touboul

- 25 août
- 4 min de lecture

En s’imposant dans la manifestation « Bloquons tout » du 10 septembre, sans y avoir été invité, Mélenchon scie les pattes d’une initiative populaire, réunissant les ras-le-bol de tous horizons. Il feint d’ignorer que cette exaspération résulte aussi du comportement des LFI qui ont transformé l’Assemblée Nationale en pétaudière.
Déjà éconduit du mouvement des Gilets jaunes, qui comme celui du « Bloquons tout », se voulait apolitique, et même contre les politiques, le leader des Insoumis ne pouvait ignorer que son soutien à cette colère ne pouvait que déconsidérer ce mode d’action. C’était néanmoins plus fort que lui, tant il rêve de voir le peuple ( de gauche, évidement et uniquement ) déferler en une vague qui le porterait au pouvoir. Et tant pis si son adhésion a un effet répulsif qui profite au Gouvernement.
Il faut dire que, pour le Démostène des ignares, les vents sont favorables. L’antisémitisme, son coeur de programme, prospère. Macron devient Hamas compatible, et la députée du parti du Président, Violette Spillebout participe à l’université d’été des LFI.
Le pouvoir par le chaos n’est plus pour lui la seule option. Il se voit se ralliant les macronistes égarés, ce qui ne ferait que rééditer son accord avec Attal de 2024. Il se rêve affrontant au second tour un Jordan Bardella qu’il compte pulvériser.
Ainsi pourrait s’écrire la résistible ascension de ce clone d’Arturo Ui. Non vraiment, Mélenchon ne tente pas de récupérer la colère populaire, mais de la contenir, car elle n’est pas la voie la plus probable dans ses projets de conquête. Sur un malentendu dont les scrutins électoraux sont coutumiers, le scénario qu’il imagine peut fonctionner, du moins le croit-il.
La démagogie a souvent des effets inverses de ceux qu’en attendent les démagogues.
Quand il déclare vouloir reconnaître un Etat palestinien, sans délai et en oubliant les conditions préalables qu’il y mettait lui-même, Emanuel Macron voulait, dit-on, faire pression sur le Gouvernement Netanyahu pour qu’il adoucisse sa guerre contre le Hamas afin de ménager les civils gazaouis. Il est clair qu’il compte ainsi se donner une belle conscience d’humaniste. Pour pas cher, du moins le croit-il.
À en juger par l’entrée de Tsahal dans la ville de Gaza, l’effet aura été nul, sinon contre-productif. La position politique de Macron a cependant des effets incontestables, non sur le comportement de l’Etat d’Israël, mais sur celui des antisémites en France. Rejoignant ainsi Mélenchon, le Chef de l’Etat joue avec un feu qui ne demande qu’à embraser la société française. La bête immonde du racisme, une fois réveillée, ne fait pas le détail. Chacun est désormais légitime à penser sa xénophobie, justifier son racisme, car, ainsi que le disait Pirandello : à chacun sa vérité, et l’on peut ajouter à chacun sa haine. En dérivant dans ces eaux fangeuses, Macron ne fait que conférer plus de respectabilité au Rassemblement National qui par comparaison apparait plus soucieux que lui de l’harmonie sociale en France.
Au cœur de l’été, Gabriel Attal se déclare en faveur de la Gestation Pour Autrui, sous certaines conditions qu’il demande à son parti de préciser, c’est dire à quel point il y tient. On sait le cas que le macronisme fait des « conditions » nécessaires un jour, oubliées le lendemain, Emmanuel Macron vient de l’illustrer. On voit aussi que la vie personnelle des Présidents n’est pas sans incidence sur leurs tentations démagogiques.
C’est Hollande, un Président, non marié, qui a légalisé le mariage pour tous. Un autre, Macron, qui n’a jamais eu d’enfant, a rendu possible l’adoption par des couples homosexuels. Attal qui ne se voit jamais convoler avec une femme envisage donc, sans surprise, de légaliser la GPA.
Il est peu probable que Gabriel Attal ait ignoré que ce franchissement moral, qu’Emmanuel Macron s’était toujours interdit haut et fort, constitue le faire-part de décès du macronisme. Pour 2037, à bon entendeur, salut, Emmanuel ! Enfin, s’il existe encore, à ce moment de notre futur, une élection présidentielle.
Ces trois versions du baiser de la mort, celle de Mélenchon pour les « Bloquons-tout », d’Emmanuel M pour les Palestiniens , et de Gabriel Attal pour les partisans de la marchandisation du corps de femmes, ont ceci de commun qu’ils sont d’une létalité largement involontaire. Les intéressés desservent la cause qu’ils disent vouloir embrasser. C’est, semble-t-il, une mode politique nouvelle que de marquer des buts contre son camp. Et l’on se demande à qui ira le ballon d’or.
Une autre forme d’extrême onction est celle que François Bayrou administre au Centre. Supposé être raisonnable et modéré, le dernier des centristes, réalise une danse de la pluie autour d’un budget impossible à boucler. Il invoque le Grand esprit, celui de la réduction du déficit, mais néglige celui de la confiance qui seule permettrait de sortir des réflexes égoïstes du front du refus. Certes, la confiance ne se décrète pas, mais elle se mérite. On la conquiert par sa faculté d’affronter les vrais problèmes. S’agissant des finances publiques, la question pour laquelle les Français veulent entendre une réponse, est celle du train de vie de l’Etat et des collectivités publiques.
Jusqu’à présent, on leur a dit que les services publics étaient à l’os, qu’il fallait plus d’argent, plus de fonctionnaires. Mais plus ils ont payé, plus la dette a enflé, moins ils ont eu de services. Quant aux économies, on a expliqué que l’on ne pouvait en faire aucune de conséquente.
Bayrou se bat pour justifier comptablement les efforts demandés aux Français. C’est peine perdue. Il lui répondent non. Non à tout.
Ce qu’il faut leur proposer, ce n’est pas un exercice de comptable, mais une prestation de cost killer. Peu importe le déficit, ce qui pourrait convaincre c’est l’ampleur des économies de fonctionnement de l’Etat. En somme, un budget qui ne comporte que de vraies réductions de dépenses publiques. Aucun nouvel impôt, aucune recette supplémentaire, ne sera accepté.
Si Bayrou ne peut pas aller dans cette voie, il doit s’en aller. Après lui, le Centre aura rendu son dernier soupir, et l’on passera à autre chose… enfin.
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