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Le cercle du réel et du possible

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 12 mai
  • 4 min de lecture



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Ce n’est pas le combat du siècle, ni même un événement qui pourrait concurrencer le psychodrame permanent entretenu par Donald Trump sur tous les fronts : tarifaire, ukrainien, iranien, pour ne parler que des principaux. Ce n’est pas une lutte qui pourrait passionner par la violence des coups portés, les fleurets des deux adversaires étant mouchetés, tant l’expérience des compétions précédentes d’enjeu similaire a montré qu’il ne servait à rien de vaincre, si c’était pour régner sur un champ de ruines. Cette réalité n’interdit pas les coups fourrés dans la limite de ce qui est admissible entre membres d’une même famille politique. Mais rien de spectaculaire dans le match Wauquiez vs Retailleau pour la présidence du parti Les Républicains. Il n’en reste pas moins que du résultat du vote des adhérents il découlera des conséquences d’une portée  potentielle déterminante pour l’avenir de la France qui se trouve à un moment crucial de son histoire, tant il est urgent pour le pays de prendre des décisions majeures que la configuration politique actuelle rend impossibles.


Une partie de ce qui se joue est, à travers la crédibilité de la droite, la poursuite de la dérive vers le cercle vicieux des extrêmes ou le retour à un gouvernement de responsables faisant partie de ce que certains comme Alain Minc appellent le cercle de la raison. Cette expression est une formulation de ce que l’économiste Alain Touraine dénommait « le cercle du réel et du possible » dans un rapport établi pour le Commissariat général au plan en 1994, intitulé La France de l’an 2000.


Simple Science Po, Retailleau est illégitime à se voir préférer à Wauquiez, agrégé d’histoire et surtout sorti major de la promotion Mandela de l’ENA. Sauf que… l’Ecole Nationale d’Administration a été supprimée, et que ce sont les produits de cette machine « à décérébrer », pour employer les mots de Laurent Fabius, qui ont été montrés du doigt par Emmanuel Macron comme responsables de ce qui ne va pas dans les Services publics, c’est-à-dire, pratiquement tout. Dans ces conditions, les titres de Wauquiez sont devenus des boulets.


Pour Sarah Knafo, version française de la Meloni, qui avance comme un bulldozer avec un sourire désarmant, et qui n’est embarrassée par aucune question journalistique, Wauquiez et Retailleau, c’est « bonnet blanc et blanc bonnet », selon la formule utilisée par Jacques Duclos lors de la présidentielle de 1969, à propos de Pompidou et Poher.


Ce jugement est fondé en ce sens que ce n’est pas un tenant de la droite molle du genou dans la ligne (Giscard, Juppé, Edouard Philippe) façon UDF, qui est opposé à un candidat de la droite ferme dans la ligne RPR (Pasqua, Chirac 1, Sarkozy 1) qui briguent la présidence des LR, et par de là la candidature aux prochaines présidentielles. Ce sont deux champions d’une même droite décomplexée qui n’hésite pas à aborder les thèmes, il n’y a pas si longtemps, réservés à l’extrême droite, et surenchérir dans la méthode musclée.


Cependant l’interchangeabilité des deux postulants s’arrête là.


Bruno Retailleau vient d’une droite chimiquement pure, ses racines sont vendéennes et son mentor fut Philippe de Villiers. Son bagage est mince. Il ne fut jamais ministre. Son seul certificat de sérieux, il le doit à son expérience de sénateur.


Laurent Wauquiez est né à Lyon, il est entré en politique dans le sillage du centriste Jacques Barrot,  et son virage en épingle à cheveux, à droite toute, lui valut un procès en « insincérité », lancé par Jean-François Coppé et repris à qui mieux mieux par Marine Le Pen et la plupart des médias. Il n’est pas interdit de changer d’avis, même en politique, mais ce que laisse supposer la personnalité sur-qualifiée de Laurent Wauquiez est qu’il n’a jamais eu quelque conviction personnelle que ce soit. Son fardeau est qu’il apparait comme un opportuniste dont on ne sait quelle casaque il adoptera demain. L’ambiguité est un refuge dont on ne sort qu’à son détriment disait le Cardinal de Retz. Mais en démocratie, quand il s’agit d’emporter les suffrages, la prévisibilité est une condition nécessaire, même si elle n’est pas suffisante. Le bulletin de vote est l’inverse d’un billet de loterie. On fait plus confiance à une personnalité qu’à un programme qui, on le sait, n’a de valeur qu’indicative.


Ayant été moult fois ministre, et déjà, il n’y a pas si longtemps, Président des LR Laurent Wauquiez fait figure de revenant. Quand la droite, et d’ailleurs l’ensemble de la classe politique, est à la recherche d’un second souffle, Wauquiez propose un modèle ancien, pour ne pas dire périmé.

Certes Bruno Retailleau n’a pas l’épaisseur d’un Président de la République, mais il ne brigue pour le moment que la présidence des LR. Y deviendra-t-il le candidat naturel de la droite ? Nul ne peut l’affirmer,l’exclure.

Avant l’élection d’Emmanuel Macron, on savait qu’il fallait pour accéder à l’Elysée se rendre d’abord maître de l’un des grands partis. On dit que l’actuel Président a pulvérisé les formations politiques, et démontré leur inutilité. Mais, cette idée pour largement reçue qu’elle soit n’est pas pour autant vraie.


Tout d’abord, ceux qui étaient, il y a peu, les favoris du duel au second tour, Le Pen et Mélenchon, sont tous deux chefs d’un parti très structuré. L’une et l’autre sont désormais empêchés. L’une par la Justice, et l’autre par sa stratégie pestilentielle.


En l’état, Bardella parait pouvoir s’appuyer sur le RN pour franchir le premier tour. Face à lui, les socialistes paraissent bien incapables de s’accorder sur une ligne pour relancer le PS, et les centristes n’ont pas d’organisation sur laquelle un candidat pourrait compter. Reste le parti LR pour lequel la compétition Wauquiez/ Retailleau a suscité un regain d’adhésions, qui reprend quelques couleurs.


Archimède disait « donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde ». Lorsque se clos la parenthèse Macron, ce levier indispensable à la conquête de la magistrature suprême est sans le moindre doute un parti en ordre de marche. Une telle structure traduit un courant de pensée, plus fiable que l’opinion sondagière, et fournit des militants.


A l’heure des réseaux sociaux, on prétend que le lien direct entre un candidat et le peuple peut s’établir ex nihilo. Cette proposition serait possible s’il se révélait une personnalité charismatique. Or, aucun des prétendants ne possède cette qualité, le personnel politique actuel brillant plutôt par sa médiocrité.

 
 
 

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