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Le chacun pour soi, c’est la fin de tout


Les spécialistes de géopolitique s’évertuent à décrire l’évolution du Monde qui vient en quittant l’utopie de la mondialisation heureuse, où tout le monde était gentil, les relations commerciales gagnant/gagnant, et les différents étaient réglés devant l’OIC, la répartition du travail selon les compétences des nations se faisait dans l’harmonie. Avec une autorité incontestée l’ONU et ses ramifications s’érigeaient en instance de paix, inventant une nouvelle forme de soldat, le casque bleu, force d’interposition plus proche du gardien de la paix que du militaire.

La faillite du système soviétique qui divisait la planète en deux blocs antagonistes avec quelques non alignés, avait ouvert cette ère nouvelle où l’on parlait de fin de l’histoire.


Ce monde de Bisounours avait cependant dans son principe même des germes de corruption. Le partage du travail par le marché a réparti la richesse entre les pays consommateurs et les Etats ateliers ou fournisseurs de matières. Il fut dénoncé en conséquence, sans égard au fait, pourtant aveuglant, que la maudite mondialisation capitaliste avait permis de sortir de la pauvreté près d’un milliard d’individus, et ouvert des capacités de développement pour de très nombreuses nations.

Cette vision de la mondialisation malheureuse était fondée sur une réalité. Les pays occidentaux ne se sont pas contentés de consommer des produits manufacturés en Asie laborieuse, ils sont entrés dans un autre univers, celui de l’informatique, la révolution du virtuel, des communications et des réseaux sociaux.

Par le fait, si globalement la mondialisation a amélioré le sort de l’humain sur la Terre, l’écart de niveau de vie entre les pays développés et les autres s’est creusé. L’essor de la Chine, atelier du Monde, qui a prétendu rivaliser avec les Etats-Unis pour le leadership  économique a masqué cette évidence.

Elle est réapparu quand la liberté du commerce a atteint ses limites dans les pays développés qui perdant leurs industries devenaient dépendants du géant chinois qui venait même à les concurrencer dans des technologies de pointe.

Le sentiment que cette situation résultait de systèmes politiques opposés s’est fait jour. D’un côté les entreprises capitalistes livrées à la vérité des coûts, de l’autre  des sociétés protégées par l’Etat, capable de pratiquer le dumping. Cette distorsion résulte de l’échec de la théorie selon laquelle la prospérité économique engendrerait nécessairement la démocratie politique. Patiemment le régime communiste de Pékin accumulait les créances en dollars.


Quand l’Amérique du Nord a déchanté, elle s’est rétractée, transformant la compétition avec la Chine en hostilités économiques. L’atelier du Monde a vu ses clients réduire leurs commandes, et les investisseurs étrangers se retirer sur la pointe des pieds. Et en symétrie le régime politique chinois s’est durci.


En conséquence, adieu l’OIC, au revoir l’ONU, seules les COP climatiques semblaient encore bénéficier d’un semblant d’entente internationale. Cependant, cet universalisme d’une nécessité d’évidence, le climat ignorant les frontières étatiques, est factice. La désunion gagne désormais la lutte contre le dérèglement du climat. Les pays très pollueurs arguent que les Occidentaux ont longtemps pollué pour se développer, et qu’il est légitime qu’ils se rattrapent.

Dans les régions développées l’écologie vertueuse se heurte a deux obstacles. Le premier est le coût économique, social et humain d’une décarbonation à marche forcée. Le second est que la consommation (cf. Le pouvoir d’achat) ne diminuant pas,  le carbone n’est que déplacé, et les sacrifices consentis sont vains. Pis, ils accentuent la perte de souveraineté des Etat occidentaux.


C’est dans ce contexte qu’est apparu, on devrait dire réapparu car il a un air de déjà vu, un Monde où le mode de résolution des conflits est désormais la guerre. Qu’on le veuille ou non, le Monde est en bataille.


Les menées guerrières de la Russie sont d’une autre nature que les actions militaires des Etats-Unis quand ils se voulaient gendarmes du Monde, et agissaient sous l’égide des Nations Unies, un visa obtenu parfois par tromperie, comme pour la seconde guerre d’Irak, mais toujours jugé nécessaire.

Les guerres de Poutine sont des actes de conquête territoriale, sans prétention morale ou de sécurité autre que nationale.


Chacun pour soi. Dans ce Monde nouveau les règles du jeu ont changé. Les naïfs continuent d’agiter les valeurs d’universalisme, alors qu’il s’agit d’un bras-de-fer universel. Chaque pays, chaque régime, chaque gouvernement s’interroge sur le meilleur moyen de se préserver.


On parle du Sud global qui n’existe pas, il n’a pas de O6, il s’agit d’un fourre-tout dans lequel on place des Etats qui isolément tentent de tirer leur épingle du nouveau jeu ouvert par l’isolationnisme américain et l’interventionnisme russe.


La troisième guerre mondiale a commencé. De manière hybride, façon de désigner une belligérance nuancée par la menace nucléaire, le conflit armé a gagné la planète.


Ce conflit mondial est suicidaire. Il détruira l’humanité plus rapidement que le méchant climat, si l’on ne trouve pas de moyen de sortir de cette impasse.

La Russie, puissance nucléaire majeure, ne peut être défaite, proclame Vladimir Poutine. Il se trompe. L’URSS a été vaincue en Afghanistan, les USA aussi, et encore ailleurs plusieurs fois.

Quant à Taïwan, à terme, c’est-à-dire quand la production de composants électroniques qu’elle assure ne sera plus irremplaçable, rien ne s’opposera à ce que la Chine en reprenne possession. Il est d’ailleurs probable que cette unification soit une occasion d’infléchissement du régime chinois. La mise au pas de Taïwan sera une autre affaire que celle de Kong-Kong.


Dans l’avenir immédiat, les Etats-Unis menacent de laisser l’Europe se débrouiller sur l’Ukraine, et Trump n’arrangera rien. La réponse de l’Union européenne devrait être de soutenir la Chine dans sa revendication de Taïwan. Une telle position aurait sans doute un effet salutaire sur les plus isolationnistes des Américains.


La tentation des Etats-Unis de fracturer l’Occident doit être mise en lumière si l’on veut espérer sortir de ce nouveau monde de chacun pour soi, car il n’est que la fin de tout.




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