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Le chant du cygne

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 16 juin 2022
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 juin 2022


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Se répéter ou se contredire ? Dans les deux cas, l'exercice est inutile.


La perspective d’une cohabitation que nous avions évoquée dès le lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron a mis du temps à s’installer. Elle est désormais présente, avec les étapes prévues. D’abord, l’éloignement de la menace de guerre qui a influencé la présidentielle. Ensuite, l’obsolescence de la règle qui veut que les législatives confirment les résultats de la présidentielle pour donner au Président élu les moyens de sa politique, et cela en raison notamment du fait que personne ne sait ce que voudra être le programme d’Emmanuel Macron, pas même lui. Et encore, l’usage de la technique du barrage à l’extrémisme passant du repoussoir Le Pen, à l’épouvantail Mélenchon. La complaisance, enfin, des médias vis-à-vis du leader des Insoumis, qui est allé jusqu’à présenter la NUPES comme le triomphe d’une gauche renaissante.


Tout ceci a été annoncé sans qu’il soit besoin de lire dans les entrailles de poulets. Il suffisait de se référer aux constantes de l’Histoire, qui certes ne repasse pas les plats, mais obéit au principe qui veut que des causes semblables produisent des effets similaires. Dans le danger de guerre ou pandémie, on serre les rangs autour du chef, quel qu’il soit. Quand le péril s’éloigne les avis se dispersent.


L’encre s’est donc tarie, car il était sans intérêt de la faire couler pour ne rien dire de neuf.


Le fait nouveau qui appelle aujourd'hui le commentaire est le festival d’absurdités qu’à l’occasion du second tour des législatives on assiste de la part des candidats, cela est bien usuel, mais aussi des médias qui présentent comme crédible l’alternative Mélenchon. On se demande par quelle aberration ou quiproquo de l’Histoire, les Français voudraient porter au pouvoir un régime vénézuélien (sans le pétrole), ou pis que celui de l’URSS qui ne peut mener qu’à la faillite économique et à un dépôt de bilan politique. Bien entendu, l’inévitable Piketty (sociologue qui se prend pour un économiste) valide le programme économique de la NUPES. Allons donc ! Alors que les Ukrainiens meurent pour défendre leur liberté individuelle, les Français se précipiteraient dans les bras d’une bureaucratie totalitaire pire que celle dont ils se plaignent aujourd’hui des carences et de la lourdeur... qui peut sensément croire une chose pareille ?


Cette éventualité serait rocambolesque aux yeux de tous s’il n’y avait Mélenchon, le joueur de flûte que les journalistes suivent comme des enfants vers la rivière où ils va les noyer. Tendons l’oreille. Sur les médias du service public, il est une locution inconnue, celle de « l’extrême gauche ». Tout ce gentil petit monde bien pensant a oublié ce qu'était la liberté de la presse en Union soviétique. Le bon sens le plus élémentaire devrait leur faire sonner le tocsin. Que nenni ! Ils s'extasient.



Mélenchon : le chant du cygne

Il est convenu de dire que Jean-Luc Mélenchon est un grand orateur et qu’il a réussi un coup de maître en fédérant l’ensemble de la gauche autour de son parti La France Insoumise pour les élection législatives de 2022.


Il est vrai que le vieux briscard de la politique, doyen des candidats à la présidentielle, qui faisait de la politique au PS en 1972, alors qu’Emmanuel Macron n’était même pas né, et qui parvient à se présenter comme novateur en utilisant des hologrammes, ne manque pas d’habileté.


Mais c’est un peu celle du loup qui se déguise en agneau. Les moyens sont « up to date », mais le discours est celui du siècle passé, entièrement imbibé de lutte des classes. Or, si les minorités sont toujours heureuses de se voir reconnues comme des victimes, elles ne forment pas une classe, ni un prolétariat. La différence est essentielle, car si les damnés de la terre avaient intérêt à bousculer et abattre le système du capitalisme industriel qui les exploitait, les Français « issus de la diversité » et les féministes ne sont absolument pas dans cette optique. Le capitalisme leur convient parfaitement, ils en savourent les fruits dont ils veulent obtenir une meilleure part… on pourrait dire : comme tout le monde. Il est douteux que cette clientèle se mette à déferler dans les isoloirs comme l'y adjure Mélenchon, car en destructeurs de l’économie les Insoumis œuvrent contre ceux qu’ils prétendent défendre. L’imposture ne durera que le temps d’une campagne électorale. Très vite, les alliés des LFI qui seront élus reprendront leur place naturelle dans l’hémicycle. Celle-ci est près des réformateurs et non des révolutionnaires.


Se proclamer « Premier Ministre » était une bonne formule lorsqu’elle a été énoncée, mais répétée et même ressassée, elle est devenue risible et a mis l’accent sur le côté paranoïaque du « leader maximo » des Insoumis. Celui-ci est apparu plus délirant que conquérant.


L’habileté manœuvrière de Mélenchon devant laquelle les médias en majorité gauchisants se prosternent à propos notamment de la création de la NUPES n’est pas aussi évidente qu’ils le proclament. Certes la répartition des circonscriptions entre les partis de gauche, qui évite la dispersion des votes, est une bonne défense. Elle a permis de conserver le même volume global des partis alliés qui n’en l’étaient pas en 2017, ce que la droite classique n'a pas réalisé. Elle a aussi permis à LFI de se tailler la part du lion à gauche, ce qui était normal au vu des résultats des présidentielles.


Cependant, on peut se demander s’il ne s’agit pas là du chant du cygne de Jean-Luc Mélenchon. La légende veut que le cygne qui n’est pas doté d’un cri très harmonieux lance, au moment de mourir, une plainte des plus harmonieuses. Ce fait est contesté par les ornithologues, il pourrait bien l’être aussi pour le patron des Insoumis. En effet, les conséquences de son opération NUPES, risquent d’être inverses à celle d’une renaissance de la gauche.


En déportant l’ensemble de la gauche à son extrême, Mélenchon a anéanti tout espoir réel de gouvernement. Lui, Premier Ministre ? On voit déjà que dans l’hypothèse où LFI serait le premier parti d’opposition à l’Assemblée, la macronie annonce déjà qu’elle ne permettra pas à un de ses membres d’occuper le poste stratégique de président de la commission des finances. En d’autres termes, elle considère que LFI n’est pas un parti républicain, au même titre que le Rassemblement National.


Ainsi est ouverte une perspective à la droite de gouvernement. Mélenchon aura montré que des accords électoraux sont possibles entre des partis qui ne partagent pas les mêmes philosophies. Ainsi, il y a fort à parier que le mur infranchissable entre LR et RN ne tiendra pas pour les prochaines élections législatives que celles-ci se déroulent en 2027 ou avant si une dissolution intervenait.


En effet, la diabolisation du Rassemblement National ne tient plus désormais qu’en raison du nom Le Pen. Il sera difficile de prétendre encore longtemps que les électeurs du RN, qui sont constitués par les couches populaires abandonnées par le Parti socialiste, doivent à jamais être excommuniées. Le vote RN est un fait établi, il est impossible de prétendre l’ignorer, ou d’exclure ces citoyens de la vie politique, ce qui revient au même. Il est clair que des accords électoraux auront lieu, et les médias bien pensants auront du mal à y trouver à redire. Certes, il y a un fossé entre les souverainistes RN et les européistes LR, mais ce hiatus existe aussi entre les membres de la NUPES, et nul n'a trouvé à y redire.


La seule possibilité qu’un tel rapprochement tactique ne se produise pas serait qu’un accord intervienne entre Macron et LR. Il se produira sans doute pour le début du présent quinquennat, mais le macronisme est désormais une denrée périssable. Plus on approchera de sa date péremption, plus le clivage droite gauche redeviendra essentiel.



Nicolas Sarkozy

A la différence de la sortie en fanfare de Mélenchon, car c'est à cela que l'on assiste, à 70 ans révolus, son avenir est derrière le tribun de la gauche extrême, pour Nicolas Sarkozy, le spectacle est celui d'une triste fin de parcours.


Il était la figure la plus populaire de la droite, il avait la parole la plus claire et sans ambiguïté de cette sensibilité. On le présentait comme le “parrain”, “capo de tutti capi” de la droite de gouvernement. Il semble désormais n'être plus qu'une chandelle éteinte.


Sa proximité avec Emmanuel Macron avait pu passer, un temps, pour un désir d’influencer la conduite du pays, mais cela cachait mal l’inquiétude profonde qui le minait, et qui depuis ses deux condamnations à de la prison ferme le taraude toujours plus. L'ennui avec les affaires de justice, c'est que plus on les fait durer en longueur, plus elles sont douloureuses à affronter quand tous les espoirs de les avoir conjurées s'envolent les uns après les autres.

C’est, en vérité, la croyance dans le pouvoir de protection judiciaire du Président Macron qui semble depuis quelques années avoir dicté la conduite de celui que l'on surnommait l'hyperprésident.


Ce n’est qu’une illusion, car Macron, qui avait tout intérêt à se faire un allié de la figure la plus représentative de la droite, n'a pu rien lui promettre. Il est au plus mal avec les magistrats dont il veut briser l’entre-soi. Ceux-ci ont rejeté massivement son dernier ministre de la Justice, et tous syndicats confondus, ils ont déposé des plaintes pénales contre cet ancien avocat qui ne les avait jamais ménagés dans l’exercice de la défense.


De fait, la sévérité des juges à l’égard de Nicolas Sarkozy, dont on a pu constater l’ampleur dans les dernières peines prononcées contre lui, s’explique beaucoup par son personnage urticant pour cette catégorie socioprofessionnelle, mais aussi par la volonté évidente de frapper fort un soutien politique potentiel du Président en exercice, celui qui aurait pu lui rallier Les Républicains. En vendant son âme à Macron, Sarkozy a fait un marché de dupe. Car c'est bien un reniement que l'absence de soutien à la candidate de son parti aux présidentielles et une trahison que l'opération avortée de racolage des LR pour les législatives.


Le comble de la mesquinerie aura été sa contribution au Pécresseton ? Chacun aura pu en penser qu’il avait bien contribué à empêcher la candidate de son camp d’atteindre les 5% fatidiques qui lui auraient permis de voir couvertes ses dépenses de campagne. C’est avec un certain panache que Valérie Pécresse lui a renvoyé son chèque, au demeurant bien chiche. C'est une telle élégance que l'on aurait souhaité voir se comporter le Nicolas Sarkozy qui savait si bien parler à l'oreille des Français.


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Les médias évoquent à propos du déplacement à Kiev d'Emmanuel Macron "l'effet drapeau", c'est un contresens, jamais les prouesses du chef de l'Etat à l'international n'ont eu d'incidence sur les votes, et cette fois encore moins car le pays n'est pas menacé. Les positions diplomatiques de la France ne sont, selon les partis, que des nuances, et en l'espèce il s'agit de diplomatie et non de défense nationale.


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