Le chaos et le KO. Pour qui sonne le glas ?
- André Touboul

- 30 août
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C’est moi ou le chaos ! Cette phrase est attribuée à tort au Général De Gaulle qui ne l’a pas prononcée, mais résumait son attitude, selon ses adversaires politiques. Elle sied parfaitement à la posture que vient d’adopter François Bayrou, Premier sinistre du Président Micron.
Sinistre, le Béarnais se voulait tel en prenant à témoin l’opinion publique contre les oppositions qui minimiseraient l’ampleur du gouffre financier qui s’ouvre sous ses pieds, et les nôtres. Minuscule, le Président inaudible qui, Tanguy qui tape l’incruste, n’a qu’un objectif : durer jusqu’au dernier quart d’heure… quoi qu’il en coûte aux Français.
Avec un coup de théâtre tramé à Brégançon, dans la chaleur de l’été, le comble de la jobardise est dépassé. Le Premier ministre qui pose la question de confiance prétend qu’il s’agit d’interroger la représentation nationale sur le diagnostic de la situation financière du pays. C’est à la fois une question saugrenue et un détournement de procédure.
En effet, nul ne doute du fait que la dette publique est de plus en plus difficile à financer. La signature de la Grèce vaut plus que celle du Trésor français, et il y a une probabilité non nulle pour que la BCE ait à intervenir si les marchés prennent peur. Malgré le fait qu’elle soit dirigée par Christine Lagarde, la Banque de l’euro ne le fera qu’aux conditions dictées par l’Allemagne. Il y a cependant malice quand le Gouvernement demande que les députés lui fassent confiance pour y porter remède. Il y a un monde entre le diagnostic et la thérapeutique que la manœuvre du béarnais matois voulait escamoter.
On dira que Bayrou ne demande pas un chèque blanc, mais seulement l’autorisation de négocier. L’argument est fallacieux. Il n’avait nul besoin de cet accord pour marchander avec les uns ou les autres. Mais il est clair que si la confiance lui était accordée, ce serait une victoire politique sur les oppositions qui auraient ensuite bien du mal à discuter le détail de son budget. C’est cette technique d’enferment qu’il a employée pour le Conclave sur les retraites.
S’il avait seulement voulu sensibiliser l’opinion, le Premier ministre pouvait provoquer un débat sur la question du déficit et de la dette à l’Assemblée, avec ou sans vote, selon l’article 50-1 de la Constitution. Autre chose est de demander la confiance. Le Béarnais est un vieux cheval de retour. Il vit de l’Etat depuis un demi-siècle. Il a soutenu tous les grands dirigeants dépensiers et n’est pas pour rien dans l’élection de Macron, Monsieur 1000 milliards de dette en plus. Bayrou joue les repentis, dont acte. Il pourrait en attendre une modération de peine, mais il déraisonne quand il prétend devenir Président du Tribunal. On n’imagine pas Tommaso Buscetta, qui a le premier brisé l’omerta, devenir Juge Falcone.
L’opposition, en bloc, a rejeté du tac au tac le piège grossier, et le Premier ministre, désormais en sursis, se bat selon sa propre expression « comme un chien ». En fait, il est plutôt une bête aux abois qui pressent l’hallali. Perdant toute mesure, le voilà qui accuse les « Boomers » (les retraités) d’immoralité (?), déclenchant une hystérie anti-vieux qui les fait qualifier par la directrice de la rédaction du Point de « prédateurs ». Bayrou se voulait le plus grand facteur commun, il est devenu le premier diviseur des Français. On ne discutera pas du fond qui relève d’une mauvaise foi crasse, mais de la manière qui est indigne d’un Premier ministre. Par ce coup de pied de l’âne, François s’est disqualifié pour diriger une France, une et indivisible.
Quel crédit accorder à un Etat dont le Gouvernement est sur le fil d’un rasoir qu’il a lui-même aiguisé ?
Décidément, ce François Bayrou un étrange animal politique. Quand il souffre de la défiance du peuple qui pense que l’argent qu’il donne à l’Etat est jeté par les fenêtres, le Premier ministre pose une question de confiance. C’est croire que poser une question dont on connaît la réponse inversera celle-ci. Cette martingale a été celle qui a poussé Macron à prononcer une dissolution au soir d’une défaite aux européennes. On est tenté de croire que c’est le Président de la République qui a suggéré cette sortie à son Premier ministre… ce que confirme la phrase dudit Président en Conseil des ministres qualifiant la demande de confiance de « combat noble ». Etrange label au parfum d’Ancien Régime dans un débat fondamentalement républicain, et que le sieur Bayrou a fait dériver dans l’ignoble.
On peut penser que quelque soit le sort de François Bayrou, c’est le mouvement «Bloquons tout » qui sera amoindri. Si la confiance venait à être votée, la victoire du Premier ministre éclipserait tout le reste. S’il est perdant, on imagine mal une jacquerie contre une absence de Gouvernement. De ce point de vue, Macron, qui a une peur physique de la colère populaire, aura bien manœuvré. Ayant poussé Bayrou en avant, il croit se tenir indemne de l’ire de la rue. Voire…
En effet, malgré cette tactique politicarde, deux Français sondés sur trois souhaitent le départ de Macron, tel un yaourt qui a ranci avant même sa date de péremption. Il ne lui suffira pas de nommer un successeur à Bayrou, fut-il de gauche pour résoudre l’équation financière d’une dette exponentielle. La seule issue avant la démission est pour le Président de dissoudre.
La question qui reste à se poser est de savoir qui Bayrou va entrainer d’autres dans ses propres obsèques. Pour qui fait-il sonner le glas ?
Tous les partis macronistes sont les grands perdants de ce crash-test politique, la preuve serait définitivement administrée de leur incapacité à diriger le pays. Les LR qui semblent faire corps avec Bayrou en subissent par contagion le discrédit. Retailleau voulait rester au Ministère de l’Intérieur, stratégique jusqu’aux municipales, cela peut se révéler être un pas de clerc. Sans doute, la Gauche pâtira de la prise de conscience par l’opinion de la gravité de la situation financière. On peut à ce propos s’interroger sur la déclaration du patron du MEDEF qui décerne un certificat de « lucidité » à MM Attal, Retailleau, et aussi…. Bardella. Rien pour un seul parti de gauche.
Les commentateurs qui prétendent, pour s’y opposer, qu’une nouvelle dissolution conduirait au même blocage à l’Assemblée, font peu de cas de la maturité politique des Français. Non seulement, il est douteux que les accords de désistement de 2024 soient réitérés, mais il est évident que le corps électoral présentera, dès le premier tour, la facture aux responsables de la situation, par un grand dégagisme. Tout porte à croire qu’il choisira les moins iresponsables en matière de finances et d’économie. Tel est le seul aspect positif que l’on peut attribuer à la conduite de François Bayrou qui menaçant du chaos a trouvé le KO, il a défini le thème et les enjeux des prochaines législatives.
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