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Le jour d’après

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 5 sept.
  • 5 min de lecture

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Ces derniers jours les antennes et les écrans ont été monopolisés par un étrange spectacle, celui d’un mort-vivant qui jouait un rôle écrit par un dramaturge à la petite semaine, dans une pièce en un seul acte, intitulée :  Bayrou, ou comment s’en débarrasser. Dès la première scène on ne se souciait plus que du jour d’après.


Sur le papier, en additionnant les Renaissance (91), les Horizons (34), les Modem (36) les socialistes (66), les écologistes (38) soit au total 265 députés, et en supposant que les 71 LFI consentent à s’abstenir, un gouvernement de Gauche dispose des 254 voix nécessaires pour faire voter une loi. Mais si, ce qui est probable, le parti de Mélenchon n’accepte pas ce rôle passif, il faudrait  que le gouvernement obtienne une vraie majorité soit 289 voix. Ces 24 voix manquantes, le nouveau gouvernement socialiste pourrait espérer les acheter chez les petits partis du marécage, LIOT (23),  GDR (17) et non inscrits (11), soit au total 51 voix à prendre au plus offrant.


Capable de faire voter des lois, le gouvernement de gauche serait à l’abri de la censure. En effet, les 71 LFI, les 123 RN, les 15 Ciotti, et les 49 LR, soit 258 voix, n’atteignent pas les 289 voix pour faire tomber le Gouvernement. Ainsi, et en supposant que le marais  (51 voix) se répartisse à part égales entre les pro et anti gouvernement, il n’y aurait pas de fatalité de la censure.


Cela, c’est la théorie. En réalité, tout dépend du programme du Gouvernement à venir. Si, dirigé et composé par un socialiste, comme il est prévisible, il abandonne les économies et invente de nouveaux impôts, il perdra les 34 Horizons, peut-être un bon tiers des macronistes, et échouera à faire adopter un budget pour 2026, même grâce à un 49-3.


Néanmoins, Emmanuel Macron est tenté de faire cette expérience de gauche, sans aller jusqu’à une solution de type NUPES, c’est-à-dire incluant les mélenchonistes, il est suffisamment apprenti sorcier pour s’y risquer… et atteindre son principal objectif : gagner du temps.


Le problème est que le calendrier n’attend pas. Il n’est plus maître des horloges. La France a besoin d’un budget pour la fin de l’année. Gabriel Attal ne cesse de le rappeler, non, comme, on le croit pour inciter à voter la confiance à Bayrou, dont les carottes sont cuites, mais à l’adresse du Président Macron.


Les accords de gouvernement ne se décrètent pas, ils ne peuvent résulter que de grandes manœuvres où chaque parti négocie ses avantages et garanties en contrepartie des concessions auxquelles il consent. La solution qui consiste à nommer un Premier ministre et à attendre qu’il constitue un gouvernement sans savoir où il va, donc avec qui, est une erreur de méthode. C’est ce que fait le Président depuis la dissolution, cette martingale est perdante et ne peut que l’être.


Au fond, ce que Macron ne comprend pas, c’est que le Parti socialiste n’est plus un parti de gouvernement. Certes, il se démarque des LFI antisémites et révolutionnaires ; mais justement, pour ne pas disparaître, il est contraint à la surenchère démagogique. Ainsi, il doit puiser dans les cartons mélanchonistes un programme économique aberrant. Une telle inconséquence est incompatible avec les convictions de l’essentiel des macronistes et des membres du parti d’Edouard Philippe.  L’ancien Premier ministre, posture d’ouverture oblige, milite pour un élargissement à gauche du mal nommé « socle commun ». C’est une figure imposée par Marcon aux candidats potentiels en vue des élections présidentielles. Ne pas apparaître un fauteur d’instabilité. Ni Le patron d’Horizons, ni les autres prétendants à l’Elysée ne pourront cependant aller jusqu’à soutenir le matraquage fiscal et la suspension de la réforme des retraites qui sont le cœur du projet socialiste. Un autre non possumus pour Edouard Philippe et sans doute pour Gabriel Attal, est  la position budgétaire du PS qui prétend que l’on peut diviser par deux la réduction du déficit et passer pour 2026 des 40 milliards Bayrou à 20 petits milliards, tous en impôts.


Avec une certaine malice (ou jobardise ?), Wauquiez promet de ne pas censurer (d’emblée ?) un gouvernement dirigé par un socialiste, ce qui oblige Retailleau à préciser qu’il ne s’agit pas d’un chèque en blanc. Les lignes rouges des différentes composantes de ce centre allant du PS aux LR  étant inconciliables, l’huile et le vinaigre ne tarderont pas à se séparer. Les bénéficiaires de ce nouveau fiasco d’un attelage voulu par Macron où chacun tirera à hue et à dia, seront les extrêmes. Les LFI s’essuieront les pieds sur les socialistes, et le Rassemblement National se présentera comme la seule force politique républicaine vierge de tout échec.


De même qu’il avait choisi Barnier et Bayrou dans des partis ultra-minoritaires, Emmanuel Macron persévérerait dans l’erreur en nommant un Premier ministre socialiste. La logique des gouvernements de coalition est d’être dirigés par le chef du parti le plus nombreux, certainement pas par le leader d’un parti charnière. Dans la situation où se trouve l’Assemblée, ce fonctionnement est impossible. On doit donc en déduire que la seule solution pour donner à la France un gouvernement est de s’adresser aux électeurs, et non pas de bricoler des combinaisons condamnées à s’effondrer avant d’avoir vécu.


Le pire des scénarios, le moins digne, serait pour Emmanuel Macron de nommer un Premier ministre de gauche sous la pression de la rue. La menace du 10 septembre n’a pas disparu, elle ne sera pas effacée par le départ de Bayrou, elle change cependant de nature. Il ne s’agit plus d’un mouvement citoyen d’exaspération, mais désormais d’une machinerie d’extrême gauche destinée à bousculer le régime.


Inévitablement, le Président de la République devra affronter la dure réalité. Le problème n’est pas le Premier ministre ni tel ou tel Gouvernement, le problème c’est lui. S’il veut, encore un moment, éviter qu’il se pose de manière violente, il n’a à disposition qu’une seule option : prononcer une nouvelle dissolution.


En appeler à l’électeur semble le seul moyen de contenir une agitation sociale attisée par l’extrême gauche qui a humé l’odeur du sang…  pour Mélenchon c’est la possibilité du Grand soir… pour ce « boum-boum boomer », dynamitero des institutions,  le temps presse.


Il y a aussi urgence pour les Français. Leur impatience est tangible. Les mouvements spontanés se multiplient. Les Gueux, orchestrés par Alexandre Jardin, qui s’en sont pris aux Zones à Faibles Emissions en obtenant le vote d’une loi les supprimant au grand dam des écologistes, ont pris pour cible la facture énergétique qu’ils révèlent devoir doubler alors qu’ils promettent de la diviser par deux. Il y a aussi l’irritation des « c’est Nicolas qui paie », et les démangeaisons syndicales pour « organiser » des grèves désorganisatrices.

Ces agitations ne donneront pas un gouvernement à la France, mais ne peuvent qu’accélérer le recours aux urnes.

 
 
 

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