Le Macron nouveau est arrivé
- André Touboul

- 19 avr. 2023
- 4 min de lecture

Après l’allocution du Président de la République du 17 avril, ce fut, sans surprise, un feu d’artifice dans les médias qui, pour beaucoup, comme à leur accoutumée n’entendent que ce qu’ils veulent entendre, et pratiquent le petit bout de la lorgnette en croyant manier le téléscope Hubble.
On avait, d’un commun accord entre les commentateurs qui s’autorisent à penser pour nous, assigné à Emmanuel Macron une triple obligation. Un, il se devait de manifester de l’empathie aux Français, pour soigner les blessures d’amour propre des uns et la susceptibilité des autres. Deux, il lui fallait sortir de son chapeau de magicien des formules éblouissantes permettant à l’Etat de promettre encore une fois qu’il allait tout régler, puisque, c’est bien connu, en France depuis Saint Louis qui guérissait les écrouelles, il suffit au roi de vouloir pour pouvoir. Mais, par dessus tout, il était sommé de se muer en un Christophe Colomb moderne pour designer un cap inédit vers un continent inconnu du genre de Wonderland.
De tout cela, il n’a évidemment rien fait. Néanmoins, il a affirmé une posture dont le profil était amorcé depuis quelques temps, et qui s’est désormais concrétisée dans l’ensemble de son personnage. Attendu comme le Beaujolais, le Macron nouveau est arrivé et il est gaullien.
A l’international comme en politique intérieure, Macron tente d’enfiler le costume de Charles de Gaulle. Il faut avouer qu’il flotte un peu dans le vêtement, mais la volonté est là.
Sur le positionnement vis-à-vis des Etats-Unis, il est d’un gaullisme scrupuleux. Allié, mais non vassal. En pratique, cela conduit à affirmer une marge de manœuvre autonome à l’égard de la Chine. Bien entendu cette liberté relative ne se conçoit qu’à travers le poids de l’Union européenne. Quand il se rend et Pékin, il s’adjoint la Présidente de la Commission. C’est du gaullisme revisité. Bien entendu, comme pour De Gaulle, les critiques ont plu ,comme des hallebardes. Sûr de son fait, il n’en a cure.
Quand il parle du calendrier US, il fait implicitement référence au fait que De Gaulle a été le premier à renouer des relations avec la Chine et que ce n’est que bien plus tard sous Nixon, en 1971, que les Américains se sont rangés à cette position de bon sens.
Sur le plan intérieur, Macron se veut aussi gaullien. Sur la réforme des retraites, il assume l’impopularité, et le 17 avril il justifie sa décision par : c’est l’intérêt de la France.
Comme Charles de Gaulle dont on a raillé la bombinette et la folie des grandeurs concrétisée dans le Concorde, Macron est moqué. C’est le prix du pouvoir. En France, l’on brocarde les monarques. Si l’on craint les libelles malveillants, il faut renoncer au trône.Quant aux Français, le Général pestait contre eux, les qualifiant de veaux. Macron reconnaît leur colère, mais comme de celle des bœufs, il n’en tire aucune autre conséquence que de la prudence. Seul, il le dit, l’intérêt de la France compte.
Sur le futur, le discours est clair, les partenaires sociaux et partis politiques sont conviés à participer à l’élaboration et l’aboutissement des progrès. En d’autres termes, et c’est une révolution, ceci signifie que ce n’est plus à l’Etat de tout faire.
L’Etat s’occupera de mieux gérer ce qui dépend de lui, l’hôpital public, la Justice, la Police… sur ces points il prend des engagements précis. Il viendra aussi en aide aux nécessiteux, comme l’on disait dans le temps. Mais pour le reste, les Français sont prévenus : comme l’on fait son lit, on se couche. Comme pour exclure toute ambiguïté, au détour d’une phrase, il leur promet moins de bureaucratie, donc moins d’Etat.
Il est aussi significatif que la conclusion de la courte allocution fut une adresse à la France et non aux Français.
Il faut bien voir dans cette attitude, de moins en moins rock and roll, d’Emmanuel Macron une évolution délibérée.
Par cette stratégie, le Président Macron élève le débat. Ce ne sera pas les « fourches caudines », plutôt une sortie par le haut. Pas d’humiliation, des regrets, sans recul.
Du même coup, il achève la destruction du parti qui se dit gaulliste, les LR. Après le sac du Parti Socialiste opéré par un Macron de centre gauche, c’était pour lui une nécessité évidente. L’ambition gaullienne s’est affirmée par le nouveau CNR (Conseil National de la Refondation) pour réviser les principes du CNR de 1945, le Conseil National de la Résistance, devenus obsolètes pour répondre aux défis du monde d’aujourd’hui.
Malgré la similitude du sigle, il s’agit de deux voies différentes. Le CNR 1945 était une production plurielle, bien que dominée par le Parti Communiste, elle était assumée collectivement par tous. Le CNR de Macron devra prouver qu’il est représentatif de toutes les forces vives de la nation d’aujourd’hui. Mais il devra aussi énoncer des principes nouveaux qui fassent consensus, et de cela personne n’a la moindre idée.
On peut se gausser de la prétention d’Emmanuel Macron de marcher dans les pas de Charles de Gaulle, mais il faut sans doute se féliciter qu’il se donne cet objectif pour modèle, nul n’est sans reproche, mais il en est de pires. C’est sa manière à lui de tenter de rassembler puisque De Gaulle est le seul exemple politique à être revendiqué de tous côtés, même par les plus surprenants.
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