Le paradoxe Poutine
- André Touboul

- 26 févr. 2022
- 4 min de lecture

Le maître du Kremlin vient l’incarner un nouveau paradoxe à qui il attachera désormais son nom.
En cherchant quelle faute logique pourrait sous-tendre le comportement guerrier paranoïaque de Vladimir Poutine, on se rend compte, après avoir écarté ~ on pourrait se demander pourquoi ~ les maladies schizophréniques classiques et la syphilis qui font perdre contact avec la réalité comme Maupassant en est l’exemple célèbre, qu’il s’agit d’un mal spécifique.
Le sujet prétend dénazifier l’Ukraine, et se pose en adversaire résolu du Nazisme au point d’aller lui faire la guerre, là où au demeurant il n'est pas, avec les pertes de vies humaines que cela entrainera nécessairement. Mais, en même temps, il part du même constat que celui d’Hitler dans les années trente, c'est-à-dire, le sort injuste fait à sa nation lors d’une catastrophe, en ce qui le concerne l’effondrement de l’Union Soviétique qui est son Traité de Versailles à lui.
Il a, ensuite, suivi le même chemin en triant parmi les oligarques ceux qui, étant juifs, devaient être éliminés. Puis, il s’est institué défenseur des minorités russophones comme Hitler avait été le champion des sudètes. Il a organisé des troubles sécessionnistes dans les pays voisins, Géorgie, et Ukraine. Il a réussi un Anschluss avec la Crimée, comme Hitler le fit avec l’Autriche.
Sa philosophie du pouvoir est aussi très semblable à celle de l’auteur de Mein Kampf. Sans s’en cacher, il tourne le dos à tout système démocratique, et à l’Occident qu’il considère comme dégénéré. Il organise enfin un axe des régimes autoritaires avec la puissance dominante en Asie, qui n’est plus le Japon, mais la Chine. Hitler disait vouloir son "Lebensraum" , espace vital, pour Poutine, c'est son périmètre de sécurité.
Poutine est à plusieurs égards, presque tous, un émule d’Hitler. Beaucoup plus dangereux, car disposant de la capacité de détruire la planète entière. Le seul obstacle qui pourrait l’empêcher de le faire est désormais le peuple russe. Certes sa popularité y est aujourd'hui incontestable, comme le fut celle d'Hitler en son temps. Mais si Poutine est homme à risquer la vie des autres sans hésiter, il l'a prouvé en faisant tester le vaccin expérimental spoutnik sur sa propre fille, il est loin d'être établi que le peuple russe le suivrait sur ce plan suicidaire.
Il n’est pas certain, non plus, que les Russes aient aussi envie que cela de rompre définitivement avec la culture occidentale qui dans ses racines est aussi la leur. Bien entendu, le wokisme ne les tente pas, pas plus qu’il ne séduit vraiment la vieille Europe qui a vu d’autres lubies dévaster les esprits faibles sans s’en émouvoir.
On sait que Poutine ne peut exprimer son admiration pour Hitler qui est, jusqu'à la fin des temps, l’archétype des démons de l’Enfer en Russie, mais combien de temps ses compatriotes vont-ils ne pas voir qu’il a non seulement perdu contact avec la réalité, mais surtout avec toute rationalité.
Non Poutine n’est pas fou. La démence est d’une logique implacable dans un monde irréel. Le Vladimir 1er est simplement irrationnel. On peut d’ailleurs se demander si la démarche mentale de Poutine qui fait du nazisme pour dénazifier n’est pas parallèle à celle des racialistes wokes qui font du racisme par antiracisme. Ce délire est très répandu dans les temps présents où l’on s’indigne avant de réfléchir.
L’avenir de Poutine en Russie est compromis, il n’a pas le soutien d’une idéologie forte telle que fut le Communisme, et n’en a aucune de rechange. C’est sur une voie sans issue qu’il conduit son peuple. Le libéralisme économique a produit des oligarques qu’il ne peut mettre au pas comme le fait l’autocrate Xi en Chine, n’ayant pas comme lui à sa disposition la machine bureaucratique d’un parti omnipotent. C’est aussi ce qui le différencie de Staline.
Tant que les Russes croiront qu’il est le serviteur du retour de leur grandeur, Poutine se maintiendra. Mais l’histoire de ce grand peuple a montré qu’il change de pied plus vite que tout autre. Dès qu’il aura compris ce qu’est le paradoxe de Poutine, et vu où il les mène, son sort sera scellé.
Suivant l’exemple de son maître à penser Adolf, Vladimir ne vise pas que Kiev. Son ennemi final est la démocratie, et son projet est de la détruire partout dans le Monde. Avec méthode, il s’est immiscé dans les élections majeures aux Etats-Unis et en France, notamment. En Afrique, il soutient les juntes militaires. Au moyen Orient, il porte à bout de bras le boucher syrien.
Son mépris d’un système qu’il juge condamné à disparaître (on se demande s'il ne lit pas trop Houellebecq, Onfray et Zemmour) le pousse à ne plus ménager les apparences, ce cynisme est tel qu’il terrorise des démocrates peu pratiquants comme le Turc Erdogan.
On aurait tort de considérer que Moscou, c'est loin. On pourrait vite changer d'avis. "Vite" se dit "bistro" en russe, c'est le mot que criaient les cosaques assoiffés en rentrant dans les cafés de Paris occupé ; les parisiens en ont été marqués au point d'en conserver le nom. Le risque d'un tel retour est dit-on écarté par la possession de l'arme nucléaire, mais l'appartenance à ce club donne aussi vocation à être une cible stratégique, en cas de malheur.
En espérant que l'on en vienne pas là, il est déjà acquis que le paradoxe Poutine mérite d’entrer dans l’histoire de la logique comme celui qui illustre la contradiction radicale entre les moyens, incontestablement nazis, et les fins, tout au moins celles affichées, de dénazifier.
*
Commentaires