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Le pouvoir d’achat pour tout futur




Les religions révélées promettent le bonheur dans l’autre monde, le marxisme le situait dans l‘avenir des lendemains qui chantent, le capitalisme libéral l’assure ici et maintenant par le culte du pouvoir d’achat.


L’espèce humaine est particulière en ce qu’elle se nourrit de projets. Les animaux ne se demandent pas ce qu’ils veulent  obtenir dans le futur et qui justifie leurs efforts et sacrifices présents. Ils n’ont aucune notion de progrès. La vie se suffit telle qu’elle est. Ils leur arrive de préparer l’hiver, mais par des comportements stéréotypés, invariables qui par conséquent les figent dans un état immuable, seulement perturbé par la variation des conditions de l’environnement.


L’homme, individu ou collectivité, s’invente sans cesse des objectifs, et pour les atteindre il n’hésite pas à modifier son environnement. Ce que l’on appelle la religion de la science répond à ce besoin, non pas de savoir, cela ne concerne que les scientifiques, mais de progrès. Car pour l’homme, la vie ne suffit pas.


La force de l’idéologie capitaliste libérale est aussi sa faiblesse. Ses promesses sont très vite confrontées aux faits. Elle est condamnée à performer, à délivrer sans cesse mieux et plus. Sans un progrès sensible, elle est considérée comme défaillante.


Ainsi, la consommation comme but de vie est dénoncée dans les nations où elle est pourtant le seul projet social. No futur, inscrivent sur les murs les contestataires de la société libérale qui ne proposent au demeurant aucun autre avenir désirable.


Cette faiblesse rend les démocraties fragiles face aux régimes théocratiques, et perméable aux assauts de la religion islamique dans sa version conquérante, car elle revient à la promesse d’un bonheur après la mort.


La disparition de l’utopie marxiste a laissé un vide idéologique. Non seulement sur le plan du mode de penser dialectique appliqué à tort, et de travers, sur des situations qui n’en relèvent pas au point de dénaturer la réalité à laquelle elle s’applique, mais encore sur le registre vital du projet de société. Pour convaincre, cet objectif doit être qualitatif. L’amélioration ne suffit pas, il faut pour fonctionner que l’idéal à atteindre soit un dépassement radical.


Le Paradis n’est pas un mieux d’ici-bas, c’est un autre chose que chacun peut imaginer à sa guise, mais assurément agréable. Ce saut qualitatif est le point d’appui des religieux pour exercer leur pouvoir.


De la même façon, la société délivrée de l’Etat selon la promesse communiste est précédée d’une bureaucratie terrifiante agissant au nom de la dictature du prolétariat. L’enfer maintenant justifie le bonheur futur. La puissance de ce discours a élevé le marxisme au niveau d’une religion, sans Dieu, mais fonctionnant sur le même modèle que les théologies. Le marxisme réel expérimenté en URSS a tué cette utopie.


Quant aux religions, c’est le pouvoir d’achat qui en est venu à bout. Il n’a pas été nécessaire de tuer Dieu, il a simplement été déclaré inutile pour la quête du bonheur. Le bonheur, idée neuve en Europe au 19ème siècle est devenu une réalité avec le rêve consumériste américain. Dieu n’est pas mort, comme le disait Nietzsche, il a pris sa retraite.


La société de consommation parait de nos jours entrer dans une phase de désillusion. Les besoins basiques sont satisfaits, l’agréable est à portée de main, le superflu abonde. Il reste le refuge des narcotiques. L’opium d’aujourd’hui est la cocaïne, une nouvelle religion de la société occidentale.


Le système capitaliste libéral ne reste pas sans réaction devant le succès des Paradis artificiels. Sa proposition est un transhumanisme où les machines décupleraient les facultés des individus. Les forces physiques ont déjà été augmentées par les machines lors de la révolution industrielle. Celles de l’intellect sont en passe d’être multipliées par mille grâce à l’intelligence artificielle qui va, on le suppose, brutalement remplacer la bêtise naturelle qui, mieux que le rire, est le propre de l’homme. La seule ombre au tableau est que la place de l’homme dans ce projet est loin d’être claire. Une vie de loisirs, sorte de substitut du Paradis ? Un sort végétatif ?  Une inutilité tragique ? Cette version de l’Enfer totalement déconnectée du comportement social actuel n’a aucune pertinence.


L’imaginaire de ces futurs est flou, seulement décrit par les auteurs de science fiction. Ce genre littéraire s’apparente à l’office des prophètes de naguère, leur sacerdoce est la description des sociétés auxquelles nous destinent les progrès de la science qui selon les écrits SF ne sont pas, loin de  là, ceux de l’humanité, et encore moins ceux de l’individu. Les prophéties de la SF décrivent, presque toujours un avenir qui n’est pas désirable, mais repoussant.


Les prédicateurs de la Bible agitaient parfois les menaces, mais c’était pour appeler à une rectification des mœurs pour assurer une conciliation avec le projet de Dieu pour les hommes. Dans la SF, les prophéties sont inéluctables. Il ne s’agit jamais de modifier nos actions présentes, mais toujours d’échapper aux logiques du monde futur auquel une science sans conscience nous destine.


L’humanité sera-t-elle capable de s’inventer de nouveau horizons lointains ? Est-elle prête à renouer avec Dieu ? Cela n’est pas impossible si l’image de la divinité est aimable et compatible avec le confort de vie auquel l’on s’est accoutumé. Il faudrait pour y parvenir que le pêché originel soit expurgé des discours des prêtres, et que la recherche d’harmonie de la vie ici-bas soit instituée en une préfiguration de l’éternité.








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