Le « préférendum » ? Le QCM à la mesure du Qi de nos élites
- André Touboul

- 24 sept. 2023
- 3 min de lecture

Le monde est devenu liquide remarque Emmanuel Macron. Cette découverte n’en est pas une. Depuis le commencement des temps les choses humaines et terrestres changent, ce qui est caractéristique de notre époque est qu’elles se meuvent de plus en plus vite.
Le climat, qui n’a cessé de varier, en imposant ses mutations à l’espèce humaine, accélère ses changements, ils deviennent exponentiels et le monde est saisi de vertige. L’horreur du vide agite les esprits.
Pour la première fois, il apparaît que les changements non seulement n’ont jamais été aussi rapides, mais qu’ils sont largement le fait des humains. Ceux-ci prennent conscience qu’à la fois, leur temps sur la Terre est compté en tant qu’espèce, mais qu’ils ne savent pas comment conjurer le compte à rebours.
Dans un tel contexte, il est compréhensible que ceux qui, parmi les hommes, sont chargés de penser pour tous, ceux que l’on nomme l’élite soient déboussolés.
Les trois questions existentielles ne reçoivent que de mauvaises réponses. D’où venons nous ? On dit qu’il faut l’oublier. Qui sommes-nous ? Il faut s’en repentir. Où allons-nous ? Personne ne le sait.
Le rôle des politiques est de parler aux peuples, mais pas, comme trop d’entre eux le croient, pour leur dire ce qu’ils veulent entendre. Leur devoir est d’éclairer le chemin. Certes les peuples sont souverains, les choix ultimes leur reviennent, ils ne sont pas pourtant aptes à se déterminer sans que les termes simples et clairs des choix ne leur soient exposés.
C’est ainsi au personnel politique de mettre en lumière les problématiques que les intellectuels auront théorisées et d’endosser la responsabilité de défendre des choix que, dans une démocratie idéale, ils auront présenté loyalement aux électeurs.
Cette intermédiation est d’autant plus nécessaire que les sujets sur lesquels il faut se déterminer n’ont jamais été aussi complexes.
Pourtant, c’est à ce moment que surgit l’idée pharamineuse du « préférendum ». Étant observé que le référendum est un instrument imparfait, car l‘électeur répond à celui qui l’interroge plus qu’à la question posée, on a cru contourner l’obstacle par une consultation d’initiative populaire ; mais comme, en pratique, cette voie consisterait à répondre à une question posée par l’opposition, l’on est ramené au problème précédent. Il reste alors la solution qui consiste à poser plusieurs questions en demandant, non pas un oui ou non, mais une préférence.
L’électeur serait ainsi placé devant un QCM, questionnaire à choix multiplies qui lui permettrait d’exprimer ses préférences, d’où le néologisme de « préférendum ».
On ne sait pas si un tel scrutin révélerait vraiment la volonté du peuple français, il est évident qu’il consacrerait l’indigence du QI de notre élite politique.
« Nous sommes leurs chefs, nous devons les suivre », telle est la maxime, attribuée par raillerie à Ledru-Rollin, conventionnel qui ne brillait pas pour son intelligence.
Outre l’inversion des rôles entre entre dirigeants et dirigés, qui évoque l’adage de mise de la charrue avant les bœufs, il est délirant que les choix de société, ou les orientations politiques majeures soient abandonnés aux caprices de l’opinion.
Cette proposition, par le simple fait qu’elle ait pu naître, illustre la vacuité mentale du personnel politique, qui en est à ouvrir des boites à idées. Elle consacre aussi le refus de prendre ses responsabilités. Réfugiés derrière les « préférences » des Français, ils pourraient se déclarer indemnes de tout reproche quand il s’agira d’affronter les conséquences désastreuses de mesures dont ils ne seraient que les exécutants.
On ne peut reprocher aux gouvernants de s’informer sur l’état de l’opinion, ils ont à disposition les sondages et la pratique du terrain pour cela, mais ils sont démissionnaires s’ils se contentent de la suivre, alors qu’il leur appartient de l’orienter vers des propositions d’avenir, efficientes et morales.
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