Les quotas d’importation comme solution anti-crise
- André Touboul
- 21 avr.
- 3 min de lecture

Quand, de par la mécanique exponentielle des déficits commerciaux, qui expriment une exploitation en termes réels des Etats créanciers par ceux des pays débiteurs qui paient en monnaie de singe, tout en sabordant leur outil productif, le système entier roule à toute vapeur vers la banqueroute.
On s’étonne que les Américains aient réélu un Trump qui les représente si mal. La raison pourtant crève les yeux. Sur plusieurs points, cet iconoclaste n’a pas tort. Sur la tyrannie du mouvement des Vigilants qui veulent imposer une dictature des minorités opprimées devenues oppressantes, sur l’inconséquence des Européens quand à leur propre défense, sur la toxicité des déficits commerciaux structurels qui détruisent le tissu productif. Tous ces sujets s’expliquent et se justifient par la politique passée des Etats-Unis qui y trouvaient leur compte. Cependant le temps n’est plus de dire « à qui la faute ? », mais « comment s’en sortir ? »·
La méthode de négociation Trump est radicale et sans précédent dans un univers de relations internationales jusqu’ici tout aussi violent, mais feutré par l’hypocrisie diplomatique.
Certains le présentent comme un génie, d’autres comme un apprenti sorcier. On ne pourra juger que sur les résultats.
Pour le Etats-Unis, les droits de douane sont un impôt sur le consommateur, donc une réduction du niveau de vie. L’idée est de faire porter une partie de l’effort par les pays producteurs donc créanciers, et d’atténuer, en interne, l’impact des hausses de prix par des baisses d’autres impôts ; sur le revenu, par exemple. Cette martingale favorise les travailleurs par rapport aux consommateurs. Ce ne sont pas toujours les mêmes.
L’incitation à investir aux Etats-Unis, sur laquelle insiste beaucoup le Président américain, n’avait pas besoin de cette potion amère ; elle existait avant de par la bonne santé de l’économie US. Bien au contraire, l’incertitude actuelle inhérente à l’imprévisibilité de la méthode Trump, aura tendance à freiner les projets nouveaux. On a vilipendé Bernard Arnault qui devant l’assemblée de ses actionnaires a averti qu’il devrait produire plus sur ce marché, si l’Europe ne se hâtait pas de bien négocier. Il est absurde de demander à un patron de déclarer autre chose à ceux dont il gère les capitaux, et de contester la vertu mobilisante pour la Commission européenne d’une telle perspective. Il reste que cela reste pour l’heure en suspens. L’incertitude tragique de Trump est à cet égard plutôt un frein qu’une incitation.
Le point plus faible encore de l’action de Trump est le coup porté au dollar et au crédit du Trésor américain. Les conséquences durables de cette perte de confiance sont difficilement calculables. La pause dans une guerre des taux où il avait annoncé qu’il n’y en aurait pas, apparait comme, soit une faiblesse, soit un pragmatisme plutôt rassurant. Là encore l’incertitude.
Mais là où le bât blesse le plus est le plan théorique. L’erreur conceptuelle de départ est d’édicter une hausse de taux s’appliquant à chaque pays, mais sur toutes les importations. Dans une économie où de nombreux produits finis sont un assemblage d’éléments fabriqués dans plusieurs pays, les droits uniformes et généralisés sont intenables. Trump a d’ailleurs dû faire marche arrière sur l’électronique.
À l’inapplicablité des droits de douane généralisés, il aurait dû préférer la chirurgie des quota, de préférence négociés. En effet, par cette méthode , un Etat peut maitriser les importations dans les secteurs sensibles ou stratégiques. Il peut protéger son industrie sans rompre les ponts.
Sans doute, en édictant des quotas vis-à-vis de la Chine, Trump aurait évité une confrontation frontale dans laquelle, il est peu vraisemblable que les Chinois soient les premiers à baisser les yeux. En vérité, la brusquerie de Trump est plus une marque de faiblesse qu’une démonstration de force. Il a tout du joueur de poker à la main faible qui déclare crânement « tapis ! » pour cacher son manque de jeu.
Si l’Europe veut éviter de se faire submerger par les automobiles électriques chinoises aux prix imbattables car issus d’une main-d’œuvre bon marché et de subventions publiques massives, elle devrait avoir recours aux quotas, plutôt qu’à des taxes douanières.
Le système des quotas d’importation différenciés permet de préserver le commerce international et protège les structures productives de chaque Etat. Utilisé avec mesure, il pourrait éviter une crise économique mondiale dont on ne sait où elle conduira.
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