Les vessies et les lanternes
- André Touboul

- 19 mars 2023
- 3 min de lecture

Jamais l’on a entendu autant de sottises dans les médias que sur la question de l’article 49.3 de la Constitution : illicite, illégale, violent, non démocratique…
Un première bordée d’ineptie a constitué à dire que cette voie constitutionnelle était un véritable coup d’Etat. Ainsi la Constitution serait inconstitutionnelle !
Une seconde raison de déconsidérer les journalistes qui se sont exprimés sur le sujet est qu’ils ont pratiquement tous présenté la question de la motion de censure de manière incomplète en en dénaturant le fonctionnement.
Afin de mettre fin à la paralysie parlementaire de la IVème République où aucune politique ne pouvait aboutir faute de majorité absolue, la Constitution de 1958 approuvée par référendum a institué deux mécanismes, le premier est le scrutin majoritaire à deux tours, destiné à favoriser l’émergence d’une majorité. Le second est la faculté pour le Gouvernement de faire adopter un texte sans vote, en déclarant qu’il y engage sa responsabilité, permettant ainsi à l’opposition de le forcer à la démission en votant une motion de censure. Ainsi un texte peut être rejeté s’il déplaît à une majorité de députés, mais surtout cette voie suppose que les oppositions s’unissent, et garantit l’existence d’une solution majoritaire alternative, pouvant aller jusqu’à une cohabitation du Président avec une majorité qui politiquement n’est pas la sienne.
Ces dispositions ont été sans cesse attaquées par ceux qui prônaient le retour au scrutin proportionnel, et par des révisions constitutionnelles subreptices qui limitaient le recours à la procédure du 49.3, le tout au nom d’une pseudo-démocratie, comme si seule la paralysie était démocratique.
En cas de vote de la censure le Président doit consulter tous les partis politiques et il est normal que si un parti ou une coalition est susceptible de réunir une majorité de gouvernement, il nomme Premier Ministre la personnalité qui est la plus apte à la représenter. Si aucune majorité ne se dégage rien n’interdit au Président de nommer à nouveau le même Premier Ministre, ou une autre personne issue du parti présidentiel.
Certains présentent la dissolution comme la conséquence nécessaire d’une motion de censure votée. C’est absolument faux. Rien n’oblige le Président à dissoudre l’Assemblée.
Ce sont les mêmes journalistes qui, à longueur d’années, ressassaient que la démocratie exigeait que l’on passe à la proportionnelle ou au moins en partie pour que toutes les tendances soient représentées, qui aujourd’hui prétendent que la République ne peut fonctionner faute pour le Président de disposer d’une majorité à l’Assemblée Nationale.
Le problème est, en fait, qu’il n’existe pas de majorité du tout.
La seule conséquence de la situation présente est qu’elle oblige le Gouvernement à rechercher des appuis, quand il ne peut recourir au 49.3 dont l’usage est désormais limité. Le compromis, qui est une vertu démocratique, est, à entendre les médias, une abomination politique majeure.
Ce sont les mêmes encore qui déplorent la montée de l’abstention et clament que la vraie démocratie est dans la rue, ou qu’elle serait dans la démocratie dite directe qui est la négation même de la souveraineté des urnes.
Ces principes fondamentaux semblent ignorés de nos médiatres. Ceux-ci préfèrent faire du people, ils présentent la vie politique comme un match de football, ou le démêlés sentimentaux de célébrités. Le niveau de notre presse est affligeant. Avec une telle camarilla d’incompétents qui monopolisent les plateaux et micros, et trempent leurs plumes dans le pipi de chat des clichés, le citoyen qui espère et attend de la représentation politique qu’elle gère le pays pourrait être pris de panique. Au secours ! Ils sont devenus fous, dirait-on s’il ne s’agissait d’un vice profond de la démocratie française, malade de ses médias qui deviennent de plus en plus inaudibles.
Dans ce tintouin sensationnaliste les voix raisonnables, comme celles de Gisbert, Juilliard, du philosophe P.H. Tavoliot… et quelques autres, se perdent, elles sont pourtant à écouter avec attention. Elles n’ont pas toujours raison, mais elles ne prennent pas les vessies de l’actualité pour les lanternes du progrès.
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