Macron sur le canapé, le roman d’un joueur
- André Touboul

- 18 sept.
- 5 min de lecture

Doubler la mise en espérant forcer la main au destin, c’est confondre la fatalité de l’enchaînement des causes et des effets avec le hasard. Mais c’est surtout se comporter en joueur compulsif.
Quand Emmanuel Macron aime à répéter « je prends mon risque », il révèle que, comme le héros de Dostoïevski, il ne joue que pour perdre. Le jeu, à ce niveau, devient une conduite d’échec. C’est ce que disent les psychiatres.
Une fois n’est pas coutume, citons les écrits documentés de l’un d’entre eux, Dimitris Tserpelis :
« …
Le « thrill » que le joueur ressent est « une sensation à la fois douloureuse et plaisante » (Bergler, 1957, Valleur, Bucher, 1997), un désordre affectif provoquant du plaisir, de la souffrance et des états anxieux très élevés….. En répertoriant les différentes approches dans la littérature psychanalytique, le premier repérage théorique sur le jeu pathologique, par rapport à l’affect, est donné par Freud sur la passion (« sucht ») de Dostoïevski pour le jeu (la roulette) où il désigne « la compulsion », la « satisfaction pathologique » et l’autopunition, dans le registre d’une solution névrotique de satisfaction de son sentiment de culpabilité (Freud, 1928 ; Jaquet et Rigaud, 2000). De ce fait, le jeu satisfait un besoin affectif d’autopunition, besoin qui marque aussi la nécessité de la tension quantitative de réintégrer le champ du soma en se dirigeant contre le corps, la culpabilité s’incorporant et se manifestant à travers le besoin de « châtiment de soi-même » (Bucheret Chassaing, 2007).
…».
Et Baudelaire, l’auteur des Fleurs du mal illustre bien ce comportement. dans son poème L'Héautontimorouménos titre qui signifie « puni par soi-même » :
« Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le souflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau ! »,
La pathologie prend le pas sur le divertissement ludique quand l’enjeu est exorbitant, et que prendre le risque n’est pas une nécessité pour le joueur.
On dira, comme le dernier ver libre de Mallarmé dans Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, que : « Toute Pensée émet un Coup de Dés ». C’est là un poème hermétique désordonné, qu’il faut lire pour comprendre que la pensée complexe, désossée, désarticulée est un divorce d’avec le sens commun. C’est, par exemple, confondre le « en même temps », avec le contre-temps, le contre-pied et le contresens.
Absent à lui-même, Emmanuel Macron, perdu dans un labyrinthe d’insatisfaction, défie la rationalité. Non pas en espérant la vaincre, mais pour s’en flageller. Ses paris sont perdus avant même d’être tentés, et c’est cela qui les lui rend délectables.
S’il était une simple citoyen, on serait enclin à le plaindre. Hélas, il tient entre ses mains inexpertes le destin d’un peuple. Et l’on doit admettre qu’il est le premier des « Bloquons tout ! », sous la forme d’une série de coups de dés qu’il sait, et souhaite perdants.
La solution à l’impasse institutionnelle qui est en voie de ruiner la France, n’est pas d’inviter le Président à démissionner, ce qu’il ne fera pas, ni de tenter de le destituer, ce qui ne sera pas, mais que, par une soudaine inspiration, l’envie lui prenne de consulter un psy. L’idée n’est pas saugrenue, car l’on connait bien des chefs d’état qui au seuil de décision capitales s’en remettaient à des voyantes et autres médiums ou astrologues… alors pourquoi pas un psychanalyste.
Sur le canapé du praticien, se retrouvant face à lui-même et ses contradictions, Macron se rendrait compte que ses décisions sont en réalité dictées par un désir d’autodestruction.
En s’interrogeant sur les motifs de la dissolution de 2024, il devra reconnaître qu’il y avait bien là un défi à la raison, un enjeu disproportionné pour un pari inutile. Mais surtout que derrière sa volonté de forcer la main au destin, il y avait une pulsion mortificatrice. De même, autoriser (ou inciter) Bayrou à engager sa responsabilité, ce qui était l’échec assuré, était un pas de plus pour s’enfoncer dans le désaveu public.
Et le voilà assignant à un nouveau Premier ministre, un feuille de route encore plus escarpée. Selon le nouveau plan Macron, le PS restant dans l’opposition ferait adopter ses taxes par les LR compromis au gouvernement. Les suicidaires, à Droite, ne sont pas introuvables, mais, comme les poissons volants, ils ne constituent pas la majorité du genre. Assurément, lui-même devra en convenir : le joueur qui fait ce type de pari est mu par le désir de rater son coup. Perdre la mise. Mais quelle est-elle ?
Durer ou laisser une marque honorable dans l’histoire. Ces deux aspirations sont, pour Emmanuel Macron, inconciliables. S’il veut donner une chance à Lecornu de fagoter un budget pour 2026, et compte tenu de l’interdit qu’il s’impose de composer avec le Rassemblement National, il devrait aliéner, au bénéfice du Parti socialiste, le seul acquis de sa présidence : la politique de l’offre dont la réussite s’est traduite par une inversion de la courbe du chômage, et encore aujourd’hui par la bonne santé de la bourse.
Jusqu’ici, il a cru qu’il lui suffirait de donner des gages à l’extrême gauche en agitant un drapeau palestinien, lui qui devrait être le premier gardien de l’étendard tricolore ; mais renforcer le parti de Mélenchon, c’est, en pratique, affaiblir la Gauche supposée de gouvernement, et oblige celle-ci à formuler encore plus d’exigences taxatrices, si ce n’est de verser dans la surenchère antisémite.
Ces stratégies vouées à l’échec sont le fait d’un esprit épris de tragique.
Pour aller au bout de son mandat, Macron devrait plus rationnellement s’employer à couper l’herbe sous les pieds de l’extrême droite en donnant satisfaction à la grande majorité de Français qui veulent voir maitriser l’immigration, agir pour la sécurité, défendre leur patrimoine culturel… Toutes choses qui n’obèrent pas la santé économique du pays, bien au contraire.
Si après cet examen de conscience, le Président n’est pas convaincu, le bon docteur disciple de Freud consulté devrait inviter son patient, s’il ne veut pas que le canapé devienne un siège éjectable, à s’interroger sur la dégringolade de sa popularité. « Si Dieu me prête vie, et le peuple m’écoute », disait De Gaulle avant de perdre son dernier référendum et s’en aller. Macron, que le peuple n’entend plus, devrait songer à l’écouter, pour rester jusqu’à la fin de son mandat. Mais le veut-il vraiment ce président qui a fait voter la loi sur le suicide assisté ?
Tant qu’à tenter un dernier coup d’audace, autant que celui-ci soit utile et salvateur. Emmanuel Macron entrerait debout dans l’histoire, si, en s’appuyant sur la révolution IA, il déclarait aux Français que la santé financière de l’Etat passe nécessairement par la suppression urgente du statut de la fonction publique, véritable cause de la sclérose de l’Etat. Au moins, il ouvrirait, par ce coup de tonnerre, un débat essentiel qui, dépassant sa personne, le hisserait à un niveau de responsabilité et de clairvoyance jamais atteint avant lui par aucun Président. Ce pari, nécessairement gagnant à terme, lui permettrait d’achever son roman en visionnaire… et de ne pas insulter son propre avenir.
S’il n’en est pas capable le Président, qui ne sert plus à rien, pourrait retrouver une utilité nationale en s’en allant... comme un Prince. Il semble cependant qu’il ait choisi de ne partir que contraint et forcé, titubant sous les quolibets.
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