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Pour un grand emprunt national

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 24 mai 2023
  • 4 min de lecture


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L’économiste Pisani-Ferry, dans un rapport sollicité par l’Elysée, sur la transition énergétique, propose, pour financer les investissements dont il a découvert qu’ils devraient être considérables, d’établir un ISF vert, évidemment d’un provisoire dont on sait qu’il est destiné à durer.


Le remplacement de l’lSF par l’IFI est pourtant plein d’enseignements qu’un professionnel ne devrait pas ignorer. La suppression de la branche financière de l’impôt “sur les riches” a été concomitante de l’inversion de la courbe du chômage. On peut douter de tout mais pas de cette concordance des temps. De même, le maintien de la taxation de l’immobilier est contemporain d’une crise du logement sans précédent.


L’idée que l’impôt a un effet sur les anticipations et les stratégies des agents économiques est une vérité que l’on apprend aux étudiants en finances publiques. Apparemment, les professeurs s’arrogent le droit de s’en affranchir.


Le principe de précaution, pour une fois pertinent, devrait conduire à s’abstenir de rétablir un impôt scélérat, par son principe et les modalités inquisitoriales de sa mise en œuvre. Il devrait aussi inciter à supprimer l’IFI, afin de diriger l’épargne vers l’immobilier.


Pour financer les grands investissements verts qui sont une cause nationale majeure, la solution de bon sens serait de lancer un grand emprunt.


Les Français ont traditionnellement répondu avec enthousiasme à cet appel patriotique, d’autant qu’il s’assortit en général d’une rétribution appréciable.


Pisani-Ferry, il est vrai, envisage aussi une augmentation de la dette. Mais il y a dette et dette. Celle que l’on va chercher sur les marchés financiers est dangereuse. Celle de l’emprunt auprès des Français est vertueuse.


C’est Colbert qui a créé la Caisse des emprunts. L’affaire ne s’est pas bien terminée, car l’Etat ne put faire face aux remboursements, les créanciers ayant été soumis au « visa » qui permit de diviser par deux la dette. Malgré cela, l’engouement pour la « monnaie papier » était lancé ouvrant la voie au système Law qui lui aussi connut un dérapage.


En 1789 un emprunt national de trente millions de livres est décrété par l’Assemblée constituante. Louis XVI en confie la gestion à l’administrateur du trésor royal, Joseph Duruey, qui reçoit la somme comptant. Il finira sur la guillotine.


Le 20 mai 1793, la Convention nationale vote un emprunt forcé et volontaire sur les personnes répertoriées comme ayant de hauts revenus (supérieurs à un millier de livres par an) afin de récolter un milliard de livres, et ce, dans le but de financer la guerre. Dans la pratique, il devient confiscatoire au delà des revenus imposables dépassant 9 000 £ (le surplus est prélevé par l'État).


L'emprunt du 19 frimaire de l'an IV est le troisième grand emprunt révolutionnaire. Il est établi par la loi du 19 frimaire de l’an IV et est un emprunt forcé. Son montant est fixé à 60 millions de francs.


Seul le tiers consolidé des trois précédents emprunts ci-dessus est garanti en 1797, ce qui constitue le plus important défaut de paiement national.


En 1825 un emprunt est initié par Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu, le premier du genre en ce qu'il est introduit sur le marché boursier.


Après la défaite de Sedan, la France doit s'acquitter de 5 milliards de francs-or, comme dette de guerre, à verser à l'Allemagne avant fin 1873, en plus de l'annexion de l'Alsace-Moselle. Elle fait appel au marché deux fois, le 20 juin 1871, sur le plan national, puis le 15 juillet 1872, qui s'ouvre à l'international. La dette est payée dans les temps, conformément au traité de Francfort : les troupes allemandes quittent alors le territoire.


Quatre emprunts nationaux, en novembre 1915, octobre 1916, novembre 1917 et octobre 1918, sont émis durant la Première Guerre mondiale pour financer une guerre qui dure plus longtemps que prévu. L'emprunt national émis fin 1918, est dit de la « libération », pour une mobilisation financière et des esprits. Ces 4 emprunts s’ajoutent aux bons de la Défense nationale.

Un 5e emprunt, celui de la « Victoire des Alliés », est lancé en 1919 mais c'est le 6e, l'emprunt national de 1920, qui est considéré comme le plus massif, il vise la reconstruction du pays et le paiement des intérêts de la dette française.


On compte ensuite sept grands emprunts.


Celui de la Libération en 1944, celui de la Caisse Nationale de l’Energie en 1946, pour indemniser les actionnaires expropriés des entreprises du gaz et de l’électricité.

Puis en 1952, c’est l’emprunt Pinay à faible taux d’intérêt mais indexé sur l’or et détaxé. Il sauve le Franc.


En 1973, l’emprunt Giscard Ministre des fiances de Pompidou, lui aussi garanti sur le cours de l’or, et assorti de douceurs fiscales, mais ce qui le rendit exorbitant fut le fait qu’il ait été émis en dollars et non en francs.


On verra ensuite l’emprunt Barre 1977, l’emprunt Maurois 1983 et l’emprunt Balladur 1993.


Voici donc trente ans que l’Etat ne fait plus appel massivement à l’épargne nationale. Les épargnants depuis Pinay ont été correctement traités. Même l’emprunt partiellement obligatoire de Maurois fut intégralement remboursé.


En s’adressant aux financiers internationaux, la France a abdiqué une partie de sa souveraineté. Les Français n’en sont pas responsables, ce fut un choix délibéré des gouvernants.


Il serait temps de remettre en œuvre le levier patriotique pour financer la transition verte. LEs Français sont allergiques à l’impôt dont l’Etat se gave pour dépenser un « pognon de dingue » sans que les services publics ne cessent de se dégrader. Il est prévisible qu’un emprunt dont l’emploi serait clairement ciblé et les conditions honnêtes aurait un réel succès. On parle beaucoup, à tort et à travers, de référendum. Le plus efficient serait celui d’un appel à l’épargne patriotique des Français, sachant que pour nationaliser un emprunt, il suffit de lui réserver un traitement fiscal approprié.


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