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Soulages ou Chagall, meilleur des mondes ou monde meilleur

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 20 nov. 2022
  • 3 min de lecture

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Le Monde s’écroule. On le dit. La civilisation occidentale implose, la démocratie se délabre, les religions s’étiolent ou s’égarent, la planète court à la tragédie climatique, l’environnement se venge sur les hommes qui sont mauvais gestionnaires, les sociétés se divisent, les nations se déchirent… de quelque côté que le regard se tourne, c’est le chaos pour les optimistes, c’est la fin pour les autres. De perspectives d’avenir, point. Les lendemains chantent tous faux.


Mais cette litanie de catastrophes a quelque chose de fabriqué. Cet univers noir qui resemble à un tableau de Soulages est trop bien peint pour être vrai. Certes l’on a vécu longtemps dans le déni du réel, à l’image de cet américain qui s’élançant dans le vide du cinquantième étage de l’Empire State Building pour prendre l’air parvenait au troisième en déclarant : « so far so good ».

A tous points de vue, l’on a, dans les milieux qui d’ordinaire s’autorisent à penser, préféré détourner le regard. Le réveil est brutal. Les constats désastreux s’accumulent devant nos yeux effarés. Mais, justement, ne va-t-on pas trop loin dans le pessimisme ? Le présent n’est pas ce que l’on a voulu qu’il soit : la continuation sans heurt d’un confortable passé, mais il n’est pas si sombre qu’on le dit, et l’avenir est en vérité par ses possibles aussi coloré qu’une vision de Chagall.

On dit que la civilisation occidentale se meurt, mais c’est bien elle qui a inventé l’humanisme dont les principes sont tellement universels qu’ils nous paraissent aller de soi. Pourtant, la liberté individuelle, l’égalité et son corolaire de libération de la femme, le droit à la dignité, et la légitimité de l’aspiration au bonheur individuel, sont des trésors que l’Occident à voulu partager avec le Monde. On a dit trop souvent que toutes les civilisations se valaient, ce poncif est une erreur totale, une lubie d’anthropologues férus d’exotisme. Bien entendu, chaque civilisation établit un équilibre social qui comporte une sorte d’harmonie, mais il y a indéniablement eu des progrès d’ordre éthique à travers les âges.


Certains diront que la civilisation occidentale a donné tout ce qu’elle avait de positif à apporter à l’humanité. Cependant, le travail de pédagogie universaliste reste gigantesque. Bien sûr, le temps où l’Europe prétendait apporter la civilisation par la violence colonisatrice est révolu. Celui où il s’agissait pour les Etats-Unis de l’imposer par le commerce est aussi périmé. Mais l’humanisme est loin d’avoir triomphé. Les droits de l’homme tels que nous les concevons comme vitaux sont, sur la planète, le plus souvent à conquérir. Tant que les acquis de la civilisation occidentale qui sont incontestés ne sont pas partout effectivement en vigueur, l’utilité de celle-ci et même sa nécessité resteront indiscutables.

Au lieu de broyer du noir (encore Soulages), nous devrions bomber le torse. Ce n’est pas être suprémaciste que de refuser d’enterrer la matrice de nos valeurs universelles.


On répète que la démocratie est malade. Mais c’est ne pas comprendre que celle-ci est un effort, et non un état de fait. Le propre de la démocratie est de rechercher un équilibre accepté entre l’individu et la collectivité. La liberté d’expression y est en contestation, le bon goût en bataille. Mais au moins, on peut se plaindre, ce qui n’est pas autorisé dans d’autres régimes.


La civilisation occidentale ne se résume pas au consumérisme et au culte du pouvoir d’achat. Elle est fondée sur l’humanisme, c’est à dire le respect des libertés individuelles. Chacun ses valeurs, dit-on. Mais, il faut comprendre que les plus importantes comme celle de liberté individuelle sont antinomiques de régimes autocratiques. Il est illusoire de croire que des systèmes totalitaires ou même simplement autoritaires peuvent coexister avec des démocraties. La liberté est un trop mauvais exemple pour que son spectacle soit toléré par les dictateurs.


La mission civilisatrice de l’Occident n’est pas celle que l’on disait au XIXème siècle, elle renaît néanmoins dans un monde qui en dénie les valeurs à vocation universelle, et prétend réaliser le bonheur des peuples contre leur gré.


Avec les peintres, les auteurs de science fiction nous apprennent beaucoup sur les temps à venir. Si nous voulons éviter que ne s’instaure un « meilleur des mondes » dépeint par Aldous Huxley, il faut prêcher sans cesse un « monde meilleur ».


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