top of page

Tenue correcte exigée : "Le singe et le chat", suivi de "Dîner avec le Diable"

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 29 juil. 2022
  • 6 min de lecture

Le singe et le chat

ree

On pourrait, comme Pierre Giacometti vieux routier des sondages reconverti dans la communication sous l’enseigne paradoxale de NO COM, décréter que les questions vestimentaires des députés sont anecdotiques et bien loin des préoccupations des Français. Ce serait avoir à demi raison, car il est vrai que les sujets d’inquiétude qui se pressent à leur esprit s’appellent : guerre, inflation, niveau de vie … et non la tenue des représentants de la Nation. Il est vrai que dans les deux sens du mot tenue, comportement et vêtement , les simagrées, dont l’Assemblée est, depuis la rentrée parlementaire, le théâtre, sont une Commedia dell'Arte qui laisse l’homme de la rue indifférent. Ce Grand Guignol ne le concerne pas. Néanmoins Giacometti et l’opinion commune ont tort de sous-estimer l’importance du phénomène.


Les électeurs, à qui l'on avait tant répété qu'il fallait que les députés soient plus proches de la variété des sensibilités politiques, ont voulu une représentation diversifiée. Ils ont, en quelque sorte, imposé une proportionnelle, malgré un système majoritaire conçu pour justement l'éviter. Ils auraient tort, cependant, de n’y voir que le signe d'une vigueur nouvelle du Parlement. C'est dans le chahut et les provocations que commence la législature, et cela ne se fait pas du fait d'un débat d'idées musclé, mais d'une volonté au contraire de l'interdire.


"Brailler et débraillé" sont les deux mamelles d’une déconstruction de l’Institution centrale de notre démocratie que constitue l’Assemblée du Palais Bourbon. En effet, le but recherché par les dynamiteurs de la NUPES est de déconsidérer le lieu et les acteurs de la représentation nationale. Et ainsi, de crise en crise, il s'agit de parvenir au changement révolutionnaire, à l’occasion d’un Grand Soir qui se produirait en leur faveur.


Il est significatif que la feuille de route fixée par JL Mélenchon à la NUPES passe par les nippes. Le débraillé peut sembler résulter d'une déglingue de l’esprit, c'est en réalité un costume de scène très étudié, qui tend à désacraliser la fonction de député, et, par le fait, tant le travail qui lui est confié que l'institution, elle-même. Le rejet du costume n'est pas une aversion de principe. En effet, Mélenchon apparaît, quant à lui, dans la plupart des occasions en costume sombre et cravate (rouge, évidemment). Tête pensante de son mouvement, il montre que ce qui est en cause, ce n’est pas l’habit de ce qu’il nomme la classe dirigeante qui déplaît, mais le lieu, c'est à dire l'Assemblée. L'homme à l'hologramme a compris que, contrairement à ce que l'on dit et répète, le pouvoir, sous notre République, n'est pas à l'Elysée, mais à l'Assemblée. Turbuler, bloquer, désorganiser la Chambre, c'est s'attaquer au cœur du système. Il ne s'agit pas pour lui de faire que la NUPES obtienne un meilleur score aux prochaines élections ; il sait que, dans un vote serein, les Français ne donneront jamais la main à un parti qui n'inspire pas confiance. Mais il compte que dans un climat, quasi insurrectionnel, il pourrait en être autrement.

L'utilisation des mauvaises manières n'est pas un procédé nouveau. Il a été théorisé par Mao. « La révolution n’est pas un dîner de gala ; elle ne se fait pas comme une oeuvre littéraire, un dessin ou une broderie ; elle ne peut s’accomplir avec autant d’élégance, de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d’âme. La révolution, c’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre ». Voilà ce qu’écrivait Mao dans un rapport sur le soulèvement paysan du Hunan en 1927.

LFI est le dernier parti maoïste de France, sinon du monde, son idéologie est un mixte entre un marxisme où le prolétariat est figuré par des minorités supposée opprimées, et un maoïsme hérité de mai 68 dont la méthode d’action est la mise à néant des institutions existantes. Cependant, ce mélange ne débouche sur rien, car si chez Mao le peuple était une masse qui pouvait permettre de fonder un nouveau pouvoir, le néo-prolétariat de Mélenchon est un patchwork mal cousu qui ne fera jamais une force cohérente.


Le respect de la République commence par celui de ses institutions. A cet égard la ligne Mélenchon contraste avec celle fixée par M. Le Pen au Rassemblement National. La stratégie est depuis des mois de se fondre dans les institutions. D’où l’adoption du costume-cravate. Le mot d'ordre lepeniste est désormais : tenue correcte exigée. Puissance de l'image, la posture fonctionne. Les imputations faites aux RN de se trouver à l'extérieur de la République, qu'elles émanent des macronistes ou des LR, paraissent de moins en moins justifiées. La limite, bien entendu, de ce mode vestimentaire, trop uniforme et adopté en toutes circonstances, est de donner le sentiment d’une pensée unique. Mais, diront certains, il est déjà bien, par les temps qui courent, d’avoir une pensée.


Les médias servent la soupe à Mélenchon qui leur donne de la copie. Une main lave l'autre. Mais, l'efficacité, pour l'émule de Chavez, est plus que douteuse. L’avocat Vergès, en son temps, faisait un tabac médiatique en pratiquant et revendiquant une défense de rupture. En même temps, ses clients écopaient, presque toujours, du maximum de la peine. Les Insoumis ne changeront pas leur politique de rupture. On peut douter qu'ils réussissent à changer le régime. Ils n’aboutiront qu’à un seul résultat pratique : entraîner dans la déconsidération leurs supplétifs de la NUPES, c’est-à-dire les partis écologistes et socialiste. Pour les socialistes, la tache indélébile de Caïn restera sur leur front, car, au pêché d’extrémisme, s’ajoute désormais leur soumission ignoble à l’antisémitisme virulent des Insoumis. On peut, en outre, observer que le Parti socialiste sans Juif, est une tête privée de la moitié de ses neurones. Quant aux écologistes, ou prétendus tels, ils n’y perdent pas grand chose, leur image étant déjà celle d’idéologues bornés, ils abandonnent toute perspective de participer au pouvoir. Leur gestion farfelue des grandes villes qu’ils ont conquises, n'a rien pour nous le faire regretter.


ree

La politique de Mélenchon pourrait faire sourire si elle ne présentait un risque majeur pour la démocratie. A supposer que les institutions de cette République soient mises à terre, il est loin d’être certain que cela se fasse au profit de l’extrême gauche. Il est bien plus probable que, comme souvent, ce soit l’extrême droite qui raffle la mise. JL Mélenchon devrait méditer la morale de la fable Le singe et le chat, où le second tire les marrons du feu au seul profit du premier.




***


Diner avec le Diable



ree

Il a toujours été admis qu’il est possible de diner avec le Diable à condition de se munir d’une longue cuillère. La question est de savoir ce que l’on en espère et ce que l’on y risque.


En invitant à souper, le prince saoudien Mohamed Ben Salman à l’Elysée, où la tenue correcte est évidement exigée, Emmanuel Macron vise à obtenir plus de pétrole pour la France, mais aussi pour l’Europe, pour l’ensemble du monde et plus particulièrement au bénéfice de l’Ukraine, car il s’agit non seulement de remplacer le gaz russe, mais de désolidariser les deux coprésidents de l’OPEP que sont l’Arabie saoudite et la Russie.


A quel prix ? Pour le pétrole ce sera à celui le plus bas. Mais du point de vue moral peut-on objecter ! Se compromettre avec l’assassin d’un journaliste dépecé dans un consulat saoudien en Turquie est une horreur. Khashoggi était dit-on, un progressiste, mais aussi un ancien auxiliaire du chef des services de renseignements saoudien, adversaire politique de celui qui est désigné comme MBS. La lutte pour le pouvoir en Arabie saoudite se fait en famille, ce qui ne l'empêche pas d'être d'une extrême violence.


Aucun chef d’Etat, de par le monde, ne peut se vanter de ne pas avoir de sang sur les mains. Même notre ravi de la chèche, François Hollande a avoué qu’il avait ordonné des meurtres, dans ce que l’on appelle les « opérations homo ». Pour la bonne cause ? Mais la raison d’Etat a ses raisons que la morale individuelle ignore. Au service de l’Etat ce sont les fins qui justifient les moyens. Ce n’est pas, en fait, le crime que l’on juge, ce sont seulement les mobiles. Curieusement, les raisons qui font de MBS un assassin et de François Hollande un chef d’Etat respectable sont les mêmes, ce sont celles de l’intérêt de l’Etat. Sauf que dans un régime monarchique l’intérêt de l’Etat et celui du prince sont confondus.


Il faut alors s’interroger sur le risque majeur dans cette affaire. De fait, il s’agit surtout de ne pas permettre que l’ensemble des pays aux régimes autoritaires, et ils sont très nombreux de par le monde, rejoignent le camp de Poutine. Si cela arrive, par notre faute, la morale n’y aura rien gagné, et notre principal ennemi en sera renforcé. N’oublions jamais que la démocratie est un effort et un luxe auquel peu de peuples ont accès.


Toutefois, il ne faut jamais renoncer à prêcher la parole bonne et juste des vertus de la démocratie, cette vieille idée qui est la seule qui ait un avenir digne de l’espèce humaine. Il est déjà réconfortant et merveilleux que dans l'enceinte de l'ONU, il soit admis que ce que l'on doive sauver ce sont les apparences démocratiques.


***

 
 
 

Commentaires


bottom of page