Trois sujets contre-intuitifs
- André Touboul

- 26 mai
- 8 min de lecture

La chute de la maison Bayrou
On dit dans les médias du service public que le Président aurait « recadré » Bruno Retailleau lors du Conseil de Défense consacré au rapport administratif sur l’entrisme des Frères Musulmans.
Il est possible de douter de cette interprétation de l’agacement manifesté par Emmanuel Macron à cette occasion, comme à celle de l’affaire algérienne où il a contredit la ligne prônée par le Ministre de l’Intérieur, avant de se trouver ridiculisé par le pouvoir d’Alger. A l’expulsion d’une dizaine de diplomates français, le Président se vit contraint à répliquer de même. Pendant les atermoiements de Macron Boualem Sansal reste dans une geôle où il va certainement mourir, et le régime algérien continue de se conduire en France comme si ce pays était une de ses colonies.
La réaction de la classe politique et de l’opinion à ce rapport sur l’entrisme a été de ne retenir que le constat, et a complètement ignoré les « remèdes » qu’il propose. Il s’agit, ni plus ni moins d’accomplir le programme des Frères Musulmans. L’absurdité de ce qui est proposé, comme reconnaître un Etat palestinien (?), créer des carrés musulmans obligatoires dans les cimetières, ou généraliser l’enseignement de l’arabe, quand celui du français est en perdition, explique sans doute que cet aspect n’ait pas retenu l’attention.
Pour que Retailleau se sente « recadré » encore faudrait-il qu’il craigne quoi que ce soit de Macron. Or c’est aujourd’hui l’inverse qui est vrai. Le Président de la République dépend de l’humeur de son Ministre de l’Intérieur. Celui-ci, qui affiche la sérénité des forts, se garde bien de remettre Macron à sa place de Président minoritaire, cela serait superfétatoire, tant il est vrai que sa présence au Gouvernement est une condition de survie de ce dernier, et que le pronostic politiquement vital du Président serait engagé s’il venait à le quitter.
L’arithmétique de l’apocalypse est impitoyable. L’Assemblée Nationale compte 577 membres, il faut donc 289 bulletins pour voter la censure. Les 70 LFI sont à l’affût de toute occasion de censurer. Les 38 verts les suivent comme un seul homme. Le RN et les Ciotti sont 140, et ils n’attendent plus qu’un prétexte pour faire tomber le Gouvernement Bayrou. Si Retailleau s’en va ou s’il est « remplacé » par le Président, les 48 LR rejoignent l’opposition selon le vœux de Wauquiez et l’on atteint 296 voix qui votent la prochaine motion de censure. Son insoutenable légèreté ferait de la chute de la maison Bayrou, un non-événement en soi. Ses conséquences seraient cependant majeures, car elle poserait la question de la sortie d’Emmanuel Macron.
A deux mois de l’ouverture pour le Président du droit de prononcer une nouvelle dissolution, on peut gager qu’elle interviendra. Ce sera plus en raison de l’immobilisme de Bayrou, qui ne fait rien, et c’est d’ailleurs ce qu’il fait de mieux, que d’une stratégie des oppositions, trop contrariées entre elles pour avoir autre chose que des tactiques.
Macron enrage, et Retailleau engrange des points de popularité, étant assis du bon côté de l’Histoire, alors que Macron fait de plus en plus figure de passager qui voyage comme une valise, à moins qu’il n’occupe la place du mort. Qu ‘elle est pénible la fin programmée de la présidence Macron ! Que ce soit en se faisant mener par le petit doigt par Erdogan (!) ou quand la porte parole du Gouvernement, membre des LR, évoque froidement « la fin du macronisme qui approche », une sorte de recadrage boomerang…
Sans Retailleau, aucun nouveau gouvernement ne pourra tenir plus d’une semaine, et si Emmanuel Macron veut éviter sa propre démission, il devra se résoudre à dissoudre. Pour cette fois, il serait en accord avec la grande majorité des partis qui ne souhaitent pas précipiter l’élection présidentielle, chacun pour d’excellentes rasions ; les uns n’étant pas prêts, les autres empêchés. Il est trop tôt pour établir un trombinoscope des prétendants à l’Elysée.
La dissolution serait aussi sinon réclamée, en tout cas bien accueillie par l’ensemble du personnel politico-médiatique. Aucun doute qu’il y aurait des commentaires sur la différence entre la mauvaise et la bonne dissolution. La mauvaise dissout en renvoyant devant les électeurs, la bonne dissout en appelant aux urnes, un peu comme les mauvais et bons chasseurs du Bouchonois. Plus sérieusement, on parlera de dissolution non nécessaire ou pour sortir d’une impasse. Celle de caprice d’humeur ou celle de bon sens découlant de la nécessité politique.
L’opinion verra certainement d’un bon œil que l’on mette fin à une Assemblée plus souvent assimilée à un bordel qu’au temple de la République qu’elle devrait être, et par dessus tout que l’on sorte d’une léthargie politique qui nuit à la gestion de l’Etat et à tous les Français.
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Trump, l’anti-Poutine
On ne cesse de dire qu’il existerait un club des autocrates dans lequel Trump se serait invité, éprouvant une fascination pour Poutine.
Trump n’est peut-être pas le grand Président qu’il prétend être, mais sa personnalité flamboyante est plutôt, et à bien des égards, l’opposé de Poutine que l’on présente comme un stratège machiavélique, mais qui est, en vérité, un petit bureaucrate à l’esprit étroit.
Trump se croit un virtuose du Bridge-contrat, mais se prend en permanence les pieds dans les annonces. Poutine se voudrait un maître des échecs, il n’est qu’un joueur de poker qui surestime sa main.
Ce qu’il partage avec Trump est un refus de la dérive woke qui n’est qu’une transposition de la dictature du prolétariat à celle des minorités dites opprimées ; l’oppression étant le seul point commun entre ces deux causes de luttes.
Les idéologues appellent la diversité et les contradictions entres les opprimés une intersectionalité. Pour eux, il suffit de nommer un fait pour le faire disparaître ou le modeler à leur gré. La force du verbe, contre celle des faits.
Ainsi l’on peut réunir les féministes et les islamistes, les uns et les autres assez naïfs pour croire que leurs luttes convergent. Certes, ils peuvent désigner un ennemi commun, la civilisation occidentale. Mais à supposer celui-ci mis à bas, les inconciliables se trouveraient face à face. Ainsi le wokisme est une voie sans issue, et il n’offre aucun avenir.
A la différence de Poutine qui se contente de regarder en arrière, nostalgique de l’empire tsariste slave, et de sa version soviétique, qui l’a conduit à s’aventurer dans le guêpier ukrainien dont il ne sait pas comment sortir, et dont le coût est exorbitant. L’aventure était stupide, car il suffisait à la Russie, forte de ses richesses naturelles qu’elle vendait au reste de l’Europe, d’attendre que l’Ukraine leur tombe toute seule dans les bras.
L’intervention armée était d’autant plus stupide que Poutine croyait que ses chars entreraient en libérateurs dans Kiev.
Le véritable du danger que présente Poutine n’est pas son habileté, mais sa bêtise et son obstination.
A l’opposé, Trump est un esprit, plastique, adaptable, capable de voltes faces, sans crainte de perdre sa superbe. Contrairement à Poutine qui a sacrifié son économie à une chimère, Trump est un réaliste pour qui l’économie prime. Poutine pouvait se contenter de voir couler le fleuve Pactole de la rente des énergies et des matières premières, il n’en a rien fait. Trump était et reste confronté à une dette américaine abyssale, devenue exponentielle, et de plus en plus considérée comme insoutenable. Cette dette signifiait que les Américains vivaient aux dépens du reste du monde, c’est-à-dire au dessus de leur moyens, au-delà de ce que justifie leur travail. C’est pourquoi Trump veut rapatrier du travail sur le sol américain.
A la différence de Poutine, qui a le regard rivé dans le rétroviseur, Trump a les yeux fixés sur l’avenir. Présenté comme un conservateur voire un réactionnaire, il est, en fait, un défenseur des technologies d’avenir, ce qui explique que les GAFAM l’aient immédiatement rejoint.
Chez les bien pensants on fait de Trump un esprit obtus et brutal, mais il a compris ce que Poutine n’a pas vu : dans notre siècle on ne peut contraindre les peuples par la force. C’est pourquoi, tout en voulant une armée la plus puissante du monde pour se défendre, il refuse de s’impliquer dans les guerres extérieures. Dans la même ligne qu’Obama, qui, ayant compris que la puissance américaine était honnie dans le monde, avait inventé « l’empreinte légère » (light footprint), Trump ne croit pas que la guerre soit une option gagnante, car la victoire militaire est de plus en plus souvent la promesse de la défaite dans la paix. Trump se veut faiseur de paix, sans résultats pour le moment, Poutine s’affiche en chef de guerre avec des victoires plutôt minces.
La question la plus importante que pose Trump est celle de savoir si le retour de l’Amérique à un équilibre financier durable est un bien pour le reste du monde, voire une nécessité.
Alors que l’on sait que Poutine est une calamité pour le monde entier, y compris et d’abord son propre peuple, Trump pourrait bien être une chance de parvenir à un développement économique raisonnable.
Il est clair que la Chine ne peut à l’infini travailler pour le reste du monde et être payée en signes monétaires qui ont la valeur que les débiteurs veulent bien leur attribuer. Certes les devises accumulées lui permettent pour le moment d’acheter des actifs dans le reste de la planète. Mais quand le système conduit à l’appauvrissement des clients de l’industrie chinoise, il s’enraye. Les monnaies s’effondrent, les créanciers perdent leurs créances, les frontières se ferment, et l’atelier tourne à vide. La reconversion d’une économie dirigée sous contrôle de l’Etat en une société de consommation n’a rien de facile, et le régime chinois s’en rend compte chaque jour. La liberté du consommateur, nécessaire pour faire tourner la consommation, suppose la liberté politique. Si l’on peut contraindre les hommes à travailler, il est plus difficile de les obliger à consommer. Le travail est une fonction collective. L’acte d’achat, au delà des besoins primaires, est fondé sur le désir individuel. L’antinomie va plus loin si l’on considère que l’efficacité du travail obtenue par la contrainte disparaît quand la liberté de consommer vient à la contaminer. Le travailleur esclave ne peut sans se rebeller devenir un consommateur roi.
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On ne trompe pas la mort
Tu ne tueras point. Le texte Biblique ne se donne pas la peine de préciser que cette interdiction ne concerne que son prochain, tant cela est évident. Ce précepte moral à valeur universelle ne souffre d’exception qu’en cas d’absolue nécessité.
Peut-on sérieusement prétendre qu’abréger les souffrances d’un être humain comme on le fait par humanité d’un cheval qui s’est brisé un membre, réponde à cette exigence ? C’est la conception de l’humanité d’un certain Emmanuel Macron.
Il faut être honnête, lorsque l’on achève les chevaux c’est pour s’épargner le spectacle de leur souffrance, et non à leur demande. L’argument d’humanité en l’espèce est celui d’un égoïsme total.
La conquête d’un droit individuel, celui du suicide assisté, pourrait s’entendre s’il s’agissait non d’une démission de notre condition humaine, mais d’une aspiration à finir dans la dignité. Mais, là aussi, où est la dignité d’un agonisant en souffrance, si ce n’est dans le regard de ses proches ?
L’instinct de conservation ne le cède à la douleur que lorsque celle-ci n’est pas traitée. Or, les moyens de sédation profonde existent.
On ne peut assimiler le traitement de la douleur à de l’acharnement thérapeutique qui, lui, consiste à tenter par tous les moyens médicaux de prolonger la vie parfois au prix de souffrances considérables. C’est même, l’inverse. Dans les Maisons de fin de vie, on ne soigne plus, on efface la douleur. Pourquoi ? Mais simplement parce que si soulager est un acte d’humanité, tuer où concourir à la mort est une insulte à la vie. Ce que nous avons de plus précieux et sacré.
C’est au nom de cette sacralité de la vie humaine que la société doit s’interdire de mettre à mort les pires criminels.
La question de vie ou de mort n’est pas individuelle, mais sociale. Dès lors que l’on introduit l’euthanasie comme une option sociale, ce tabou consubstantielle à la condition humaine disparaît, et ce sont toutes sortes de considérations économiques et sociales qui se présentent.
La liberté individuelle n’est qu’un leurre quand on inculque à chacun que mourrir n’est pas indigne du cadeau que nous fait la vie. Combien de malades et d’handicapés se sentant un poids pour leurs proches ou simplement la société, ou ne se croyant plus aimés par personne, ne souhaiteront pas en finir prématurément ? Cette liberté là est une aliénation.
La morale individuelle commence par le respect de soi. On ne peut célébrer la vie, comme un bien suprême pour autrui quand on admet qu’il est concevable d’y renoncer pour soi. Une mort de convenance, quel mépris pour la vie !
On ne trompe pas la mort, quand on dîne avec elle, quelque soit la longueur de la cuillère, elle vous fait toujours payer l’addition.
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Une question pour la route : si vous rencontriez Jésus, que lui diriez-vous ?
Une suggestion : Comment va la famille ?
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