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Un fourre-tout attrape-mouches

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 3 juin 2023
  • 5 min de lecture


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Elisabeth Borne n’a pas d’envergure politique, elle a le charisme d’une institutrice à la retraite, façon Elie Kakou, d’où une certaine sécheresse dans l’expression. Elle n’a pas pour autant toujours tort.


En renvoyant le Rassemblement National au pétainisme, c’est à dire à la collaboration avec l’occupant et à l’antisémitisme version nazie, elle manque évidemment de pertinence s’il s’agit de disqualifier Marine Le Pen. En effet, celle-ci n’a jamais dérapé comme son père qui s’était fait une marque de fabrique de formules pestilentielles... comme "le détail" ou le "Durafour crématoire".

Pour la candidate de droite extrême, la dédiabolisation est une chose acquise. En apparence seulement, la sagesse populaire l‘exprime assez bien : dis mois qui sont tes amis, je te dirai qui tu es.


S’agissant d’une partie non négligeable du parti de Marine Le Pen, le Diable est toujours à sa table. Un certain nombre de nauséabonds y rôdent encore et rendent ce mouvement politique infréquentable. Il y rôde des antisémites et des islamophobes (les vrais), ce qui n’est pas incompatible et simplement le fait de racistes viscéraux. On y trouve aussi des négationnistes irréductibles, mais ce qui est plus directement actuel, le corps des cadres du Parti est constitué par les partisans d’une sortie de la démocratie, coupable de tous les malheurs du pays. Bref, le Rassemblement National est encore largement le Front National. Seuls les nigauds croient qu’il suffit de changer l’étiquette pour que le produit soit vraiment différent.


D’évidence, ces encombrants venus du FN rendent peu crédibles les costumes cravates des députés RN, qui laissent échapper de temps à autre des jets de vapeur à l’Assemblée. Le fond de sauce du Rassemblement National reste une fascination pour la manière forte des régimes autoritaires, et les solution à l’emporte-pièce. L'habit démocratique ne fait pas le moine républicain.


Hélas, le rappel à la reductio ad petainismum dans la bouche de la Première Ministre, qui, en soi est peu contestable, est malvenu, car il laisse penser à certains que le programme populiste de LePen-fille ne serait pas ou peu, en lui-même, critiquable. L’effet est semblable à celui que produit celui qui au lieu d’argumenter se laisse aller à injurier.


Or les contradictions, les incongruités et les impossibilités forment le corps du projet lepéniste.


L’insécurité culturelle est l’article phare de son argumentaire.

Quand elle est brandie par ceux qui n’ont que peu de culture à proposer, c’est un leurre. Le RN parle de culture française, il se garde bien de dire quelle culture il agite. Certes, on comprend ce dont les Lepénistes ne veulent pas. Ce sont les « subventionnés » par copinage qui parviennent à monopoliser les scènes, les écrans, et la plupart des arts qui se prêtent à leur militantisme de gauche. Mais s’il est vrai que le mécénat public devrait être réparti de manière moins partisane et gauchisante, le coquinage droitisant ne serait pas plus supportable.


La culture française est une ouverture, prétendre lui imposer un discours pour la défendre est un contresens. Voltaire a très justement dit qu’il se battrait toujours pour que ceux qui ne sont pas de son avis puissent s’exprimer. Cette nécessité est applicable aussi bien à la gauche qu’à la droite qui dans leurs extrêmes ne supportent pas l’expression des autres.


Le populisme comme le collectivisme conduit à l’art pompier, à l’asphyxie et à la stérilité. La culture, comme l’eau meurt quand elle croupit. Les artistes que voudraient promouvoir les lepénistes, on les cherche avec une lanterne… on espère qu’il ne s’agit pas simplement du sinistre Dieudonné. Là aussi, ce que propose le RN ne vaut pas mieux que ce que prône la NUPES.


L’identité nationale est aussi une cause noble, en soi. Mais quelle identité est-elle portée par le populisme ? Chacun a sa propre appréhension de ce qui fait l’identité de la France. S’il s’agit de sa langue, ses traditions, son mode de vie, les RN ne sont pas les seuls à vouloir les préserver. Ce qui les singularise, c’est la radicalité des mesures à prendre, selon eux. Or, le Diable n’est pas seulement dans les intentions, il est dans la manière. Comme pour la culture, ce n’est pas la liberté ni la nuance que préconise la droite extrême. L’argument le plus mal venu qu’invoquent les RN est que « l’original vaut mieux que la copie ». Il est contredit par l’évidence que c’est la façon de faire qui est déterminante. Les simplistes et les simplets produisent souvent des effets contraires à ceux qu’ils recherchent.


Sur la question des retraites, la promesse du RN de revenir à 60 ans est un leurre, car cela n’est possible qu’en diminuant la pension correspondante, et, bien entendu, silence sur ce point. Plus encore que sur les registres de la culture ou de l'identité, l'économie ne pardonne pas l'incompétence.


Les promesses n’engageant que ceux qui les écoutent, proposer d’augmenter le pouvoir d'achat ne coûte rien, car sauf pour les fonctionnaires, les rémunérations ne dépendent pas vraiment de l’Etat. Certes le Gouvernement peut augmenter le salaire minimum, mais l’on sait que cela induit mécaniquement le recours massif à des travailleurs immigrés moins exigeants.


Or, déjà, fermer les frontières à toute immigration est un vœu pieu qui n’abuse que les crédules, pour la simple raison que les entreprises françaises ont besoin de cette main d’oeuvre venue d’ailleurs, en particulier celle peu qualifiée et mal payée. L’on sait que les faits s’alignent toujours sur l’économie. Plus réaliste serait de proportionner l’afflux aux capacités d’intégration, en augmentant les exigences à cet égard, à la mode allemande. Au RN on préfère, par surenchère, prôner l'impossible de préférence au raisonnable. Là est l’imposture.


Sur l’Europe, rejeter toutes les contraintes sans dire que des avantages, notamment financiers, y sont reliés, est une tromperie. G. Meloni a dû rétro-pédaler à cet égard. La France est de plus en plus proche de l’Italie au regard du poids de sa dette. Autre chose serait de négocier des adaptations, convaincre les autres membres de l’Union, la faire évoluer, c’est à dire faire de la politique, et éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain. Ce réalisme ne convient pas à la clientèle populiste qui n’entendent rien d’autre que le « y- a-qu’à ».


Dans le projet Le Pen, il y a aussi des éléments à discuter et peut-être à prendre en considération, c’est-à-dire éviter de les rejeter pour le seul motif qu’ils ont été avancés par le RN.


Un grand emprunt national serait une initiative loin d’être absurde, en tout cas plus pertinente que de faire revivre l’ISF. Cela serait, évidement, en contradiction avec l’IFF, impôt sur la fortune financière que la candidate de 2022 voulait substituer à l’IFI de Macron. L’idée de supprimer l’impôt sur la fortune immobilière fait sens quand le problème du logement n’a jamais été aussi brûlant. C’est sans doute le seul point de programme qui devrait être repris tel quel.


Moduler la TVA (plus encore qu’actuellement) pour lutter contre l’inflation parait une idée séduisante. Cependant, l’expérience montre que ce sont les entreprises et les surtout les distributeurs qui dans ce cas profitent de l’aubaine. Plus efficiente aura été la politique de pression sur ces derniers pour qu’ils réduisent leurs

marges.


C’est certainement plus en menant une politique efficace que le Gouvernement montrerait qu’il est inutile d’emprunter les voies aventureuses et chimériques du RN dont on connaît l’entrée sans savoir où elles mèneraient.


Ainsi, la reconduite effective à la frontière des expulsés serait une réponse pertinente à l’inquiétude sur l’immigration, sur l’identité et sur la sécurité. Cela serait conforme à l’état de droit et plus efficace que les imprécations contre un pétainisme foncier du RN qui, s’il existe effectivement, ne présente aucune réalité actuelle pour l’immense majorité des Français.


L’erreur de la Première Ministre est de ne pas passer au crible le fourre-tout du programme du RN qui n’est qu’un dispositif attrape-mouches, mais justement remplit sa fonction puisque personne n’en discute les éléments. Pourtant son examen point par point montre qu’il s’agit d’un miroir aux alouettes… sans tête.





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