Un Français très très moyen
- André Touboul

- 7 juin 2023
- 4 min de lecture

Pujadas reçoit Houellebecq. Tout de go, il le qualifie de « plus grand auteur français (vivant) ». L’intéressé ne cille pas. Il ne proteste même pas pour la forme, non pas parce qu’il sait que la modestie est une stratégie de ceux qui veulent se faire louer deux fois, mais, d’évidence, parce que, pour lui, c’est une cause entendue. Il l’est.
Avec avarice, il laisse tomber à regret quelques mots qui dégoulinent sur la table comme une bave qui suinterait du coin des lèvres d’un vieux crapeaud fatigué de la vie. Le journaliste boit ses paroles, pour lui, il n’est bon bec que de Houellebecq.
Qu’ils se détrompent ceux qui pensent que les grands auteurs sont des oiseaux magnifiques, qu’ils ont de belles plumes, une immense envergure, que dans leur envol ils tentent d’élever l’âme. La leur, la nôtre. Houellebecq paraît un volatile de petite proie mal fini qui se demande s’il a une âme, et, manifestement, se répond par la négative.
Le prétexte de l’entretien était le dernier livre de l’auteur des Particules élémentaires, de Soumission, et autres succès bien mérités. Il s’agit cette fois d’un fragment d’autobiographie.
Plongeant du nez, Houellebecq déclare regretter que l’on ait diffusé plus largement que prévu une sex-tape de plan à trois le mettant en scène avec son épouse et une femme qu’il dénomme la Truie. Adieu, la reconnaissance du bas-ventre. Dans ses romans, il évoquait avec talent la misère sexuelle. Le voilà qui se dit aimer le porno, comme si, à l’âge du Viagra, bander était une prouesse. On est pris de pitié pour ce vieux gamin qui ne s’assume pas.
Plus sérieux, il dit ne pas comprendre pourquoi la sexualité est considérée comme quelque chose de mal. La question du « péché originel » semble le dépasser. Il fait partie de ceux qui ayant mal (ou pas) lu la Bible croient qu’il s’agit de l’acte de chair, alors que ce qui est en cause, la pomme, n’a rien de charnel. C’est de la connaissance dont il s’agit… et de l’obéissance à la loi divine.
La sexualité libre n’a été proscrite que par la morale de protection de la famille. Sa libération a vu l’éclatement et la décomposition/recomposition de la cellule familiale. Celle-ci n’étant plus une cause à défendre, la sexualité peut être débridée. On comprend que Houellebecq étant égocentré à outrance, l’intérêt de la famille ne lui effleure même pas l’esprit.
L’auteur de Sérotonine ajoute qu’il n’aime pas les féministes. Sans originalité, il invoque leurs excès. On attendrait de l’auteur préféré de Pujadas qu’il évoque la féminité en danger. Non, c’est le pré carré des hommes qu’il défend. Il est vrai que l’écrivain se veut le reflet de son époque qu’il voit glauque. L’harmonie des sexes et des genres est une terre inconnue où il n’envisage pas de mettre le pied, ni la main. Tant pis.
Lui, de droite ? Non, dit-il. Il se prétend populiste. Pour peu qu’on le pousse, il dira que Marine Le Pen n’est pas de droite.
Houellebecq apparait comme vacciné à la plume de perroquet. Il déplore le traité de Lisbonne qui a établi des institutions européennes que les Français auraient rejetées en 2005. Il oublie, comme beaucoup, que le référendum portait sur une Constitution au contenu très différent de ce qui a été ensuite adopté. Il oublie que le texte repoussé avait été bâti pat Giscard d’Estaing, accordéoniste honni, et que l’enjeu avait été présenté comme celui d’un élargissement à la Turquie.
Houellebecq se rabougrit un peu plus quand il avoue avoir changé d’avis sur l’Islam. Qu’il ait révisé sa position quand il qualifiait l’Islam de « religion la plus bête du monde », on ne peut que l’en féliciter, c’était le jugement le plus stupide de la terre. Qu’il ait, après un entretien avec le Recteur de la Mosquée de Paris découvert que la piété véritable était un facteur de paix sociale, on ne peut que l’en féliciter. Mais qu’il nie que les attentats islamiques comme celui du Bataclan soient le fait de fanatiques religieux fait douter de sa sincérité. Soudain, il apparait comme un petit mec qui veut éviter les ennuis potentiels et plus précisément une procédure dont le menaçaient les autorités musulmanes pour avoir lié la délinquance à leur religion, ce qui était une analyse de criminologue amateur plus que sommaire.
Décidément, Houellebecq devrait retourner à sa table de romancier, l’autobiographie ne lui sied guère, il y apparait comme un Français très en dessous de la moyenne.
Ceux qui voient venir les catastrophes, et se contentent de cacarder, cagnarder, criailler, glousser, jargonner, ou siffler en agitant les ailes comme les oies du Capitole, ne disent rien sur la conduite à tenir. Quand les dangers sont devant les yeux de tous, comme c’est le cas des périls que les Onfrey et les Zemmour dénoncent avec Houellebecq, on peut douter de leur utilité, même s’ils le font avec un sens certain de la formule, en se montant mutuellement le bourrichon. Ces drôles de lanceurs d’alerte deviennent franchement toxiques quand leur discours rabâché de décadence de l’Occident rejoint, de facto, celui des Wokistes, Islamistes radicaux, Poutinistes et autres oiseaux de malheur, qu’ils prétendent combattre.
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