Un Programme commun pour sauver la Vème République
- André Touboul

- 4 juil.
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Certes, nous vivons une époque où les mots volent plus vite que les poignards et dépassent la pensée des dirigeants qui les prononcent. Mais quand le Président de la Cour de comptes évoque une possible mise sous tutelle de la France par le FMI, il faut admettre que l’heure est grave. Ce n’est pas le tocsin que Pierre Moscovici sonne mais le glas, non d’une politique mais d’une culture, celle de « l’argent par les fenêtres ».
Une telle déclaration, venant d’un sachant, issu du Parti Socialiste, au nom d’une institution dont le sérieux est incontestable aurait dû provoquer sinon l’émoi, en tout cas une réaction ou un commentaire du Chef de l’État. Il n’en a rien été, Emmanuel Macron a préféré s’indigner de la prise de position des LR contre le plan d’investissement de 300 milliards dans l’éolien qui nuira à la filière nucléaire ; Macron allant même jusqu’à dénier au Président de ce parti le droit de s’exprimer, au motif que lui-même l’a nommé Ministre de l’Intérieur.
Sans vergogne, l’homme qui a fermé Fessenheim, a administré une leçon d’économie énergétique sur le thème du « en même temps ». De fait, il s’agissait d’une réédition du « quoi qu’il en coûte ». Quand le Président de la France exige que l’Etat dépense une telle somme dont il ne dispose pas du premier sou, on peut redouter que le pronostic vital de la Vème République ne soit engagé. On se demande si, dans les tréfonds de sa pensée tortueuse, l’intervention du FMI ne constituerait pas pour Macron un espoir lui permettant de repousser l’échéance fatidique de 2027, un peu comme la guerre en Ukraine lui a permis d’être reconduit en 2022.
Plus probablement, la sortie du Président contre Retailleau s’explique par le fait que la question de l’éolien est un point de convergence entre les LR et le RN, qui s’ajoutant à d’autres pourrait constituer entre eux une sorte de programme commun.
Il est interdit d’en douter, l’élection présidentielle est, en France, la seule qui compte.
Ainsi l’a voulu Charles De Gaulle. Parvenu à l’Elysée en 1958 par la voie de la désignation par le Parlement, comme le voulait le texte initial de la Constitution de la Vème République, qu’il avait lui-même présenté aux Français, le Général soumettait en octobre 1962 à référendum le principe de l’élection du Président au suffrage universel.
La France avait été secouée par la tentative de putsch des généraux de 1961, mais était soulagée par le référendum d’avril 1962 approuvant les « accords d’Evian » qui consacraient l’indépendance de l’Algérie. De Gaulle avait fait le travail que le peuple français attendait de lui ; lui répondre « oui »pour l’élection présidentielle était une forme de reconnaissance pour services rendus.
Le monde politique y était hostile ; le Président du Sénat, Gaston Monerville qualifiait le référendum d’octobre de forfaiture ; les députés votaient la censure du Gouvernement Pompidou. Sans faiblir, De Gaulle prononçait la dissolution et le corps électoral lui renvoyait une large majorité.
Longtemps, on a dit que la Constitution, ainsi bouleversée plus qu’amendée, était taillée sur mesure pour De Gaulle, et que nul, après lui, ne pourrait se glisser dans le costume de monarque républicain. A ceux qui l’interrogeaient sur sa succession, le Général répondait par une pirouette verbale :« ce ne sera pas le vide, mais le trop plein ».
François Mitterrand qui avait condamné le régime comme un « coup d’État permanent », s’est très vite accommodé de la Constitution qu’il vilipendait. Il faut dire qu’il avait compris tout le parti qu’il pouvait tirer d’un pouvoir quasi-monarchique, et il en a saisi l’opportunité de transformer la France de Pompidou et Giscard, pour la faire entrer dans un cycle socialiste dont elle n’est pas à ce jour encore sortie.
Chirac, Sarkozy, Hollande, et Macron qui lui ont succédé à l’Elysée n’ont fait que nuancer la trajectoire étatisante induite par le fondateur du Parti Socialiste. Commentant la part de la dépense publique par rapport au PIB français, Gorbatchev aurait dit que la France était le seul pays communiste qui ait réussi.
Cette réussite était, en fait, un trompe l’œil. Le modèle social auquel on a coutume de dire que le Français sont attachés, s’est trouvé de plus en plus difficile à financer, à mesure que l’économie périclitait et les besoins d’assistance se creusaient.
Les Trente Glorieuses (1945-1975) ont produit des ressources que les Trente piteuses (1981-2017) ont consommées. De la croissance par la production on est passé à l’expansion par la consommation.
La fête se termine dans le bouquet final du feu d’artifices dénommé par Macron lui-même le « quoi qu’il en coûte ». En 1981, la dette publique était de 22% du PIB, aujourd’hui elle dépasse 120%.
Au bord du gouffre, les recettes habituelles d’augmentation des impôts et les emprunts qui ne coûtent rien ont atteint leurs limites. Ce n’est pas un changement de politique qui évitera la banqueroute, mais de régime. Il ne s’agit pas de passer à la 6ème République par une nouvelle Constituante qui interviendrait après la sortie de route, mais de clore le chapitre de la France mitterrandienne, sans changer de République. Pour passer à une autre culture qui permette à la France de survivre dans le monde tel qu’il est devenu et n’est plus celui du Conseil National de la Résistance, c’est à une refondation des valeurs qu’il faudra procéder.
Quand on dit que les Français penchent à droite, cela signifie qu’ils comptent de moins en moins sur l’État pour les nurser. Ce peuple devient adulte, à la différence de sa classe politique, il sait qu’il devra travailler plus et plus longtemps ; qu’il lui faudra se montrer plus pragmatique et moins idéologique, pour les questions de sécurité, de défense et culturelles, dont l’immigration. Et par dessus tout, il sait qu’il est inévitable de mettre en œuvre l’impératif de rigueur financière dans la gestion des deniers publics.
Cette « révolution » se heurte à un personnel politique sclérosé et à un pouvoir des médias qui ressasse les mêmes clichés et anathèmes d’un vocabulaire qui est le dernier bastion de survie d’une gauche en perdition.
Pour emporter l’élection de 1981, Mitterrand n’hésita pas à s’allier, en pleine guerre froide, avec le Parti Communiste, et de se présenter comme l’artisan d’un Programme commun. C’est un aggiornamento du même ordre que la droite doit opérer pour ouvrir un nouveau chapitre de la cinquième République.
Tant que les LR n’auront pas conclu un accord avec le RN, la France restera ingouvernable. La Gauche est en capilotade et son extrémisme sans cesse plus fracassant ne fait qu’illustrer sa faiblesse.
L’alliance entre les LR et le Centre, à laquelle même Sarkozy ne croit plus, est trop faible pour constituer une majorité ; mais surtout le macronisme est mort, Macron l’a tué. Un tel attelage serait celui de l‘ambulance avec le corbillard.
Certes le rapprochement avec le RN pourrait être celui du genre pâté d’alouette, un cheval/ une alouette, mais le RN est un éléphant sans tête. Et c’est là que l’on doit examiner la question de l’incarnation des forces politiques.
A gauche, un duel se profile entre Mélenchon et Glucksmann. L’un, islamiste forcené, s’enferme dans un électorat musulman, que l’autre ne se ralliera jamais. Ce sont deux couloirs de nage inconciliables. En 2022, Mélenchon, qui n’était pas l’antipathique qu’il est devenu, bénéficiait de la candidature d’Anne Hidalgo, Glucksmann ne lui servira pas de faire valoir comme le fit celle-ci. Il est même possible que la candidature Villepin, si elle va au bout, ce qui est douteux, ne prive le patron des LFI de quelques voix.
Au centre, Bayrou va sans doute sortir carbonisé de Matignon, il y aura laissé toute son énergie pour durer et il est douteux que ce champion du « ne rien faire » puisse séduire, un électorat au bord de la crise de nerf. Il renoncera pour apporter son soutien à un candidat qui s’en passerait volontiers.
Les Macronistes savent bien que ce n’est pas leur tour, Attal attendra. Peut-être se ralliera-t-il à Edouard Philippe, mais il se passera le même phénomène que pour la présidence des LR qui a vu la déroute de Wauquiez. Les Français ne veulent plus d’énarque.
A droite, si, comme c’est prévisible, Marine Le Pen ne peut se présenter, Bardella peut espérer figurer au second tour, mais, après Macron, les Français ne voudront pas d’un novice. On a déjà donné. Reste Retailleau dont le slogan « la France des honnêtes gens » fait mouche. Qui, en effet, pourrait se déclarer malhonnête ? Si Retailleau passait le premier tour, il gagnerait certainement face à Bardella.
Mais ensuite. Rien ne garantit qu’aux législatives qui suivront, il bénéficierait d’une majorité nécessaire pour ouvrir une nouvelle ère de redressement d’un Etat qui doit être reconstruit du sol au plafond.
D’évidence, l’hypothèse d’une union des droites ne peut être exclue. Les points de convergence se multiplient. L’affaire du plan éolien n’en est qu’un exemple. Sarkozy s’entretient avec Bardella. L’expression de Retailleau « honnêtes gens » est reprise au détour d’un interview par le RN Jean-Philippe Tanguy, le même qui propose de fixer une règle d’or constitutionnelle de 3%, déficit indépassable pour les finances de l’Etat.
La solution d’un programme commun de la droite, qui sous l’égide de Retailleau emporterait une large majorité présidentielle et législative prend forme. Avec Marine Le Pen candidate un tel accord est impensable. Celle-ci empêchée, ce serait la voie pour le RN d’accéder à Matignon, en adhérant à un ticket gagnant Retailleau/Bardella.
Un tel accord permettrait au RN de sortir de sa condition de paria, et à la France de rompre avec la stupidité qui consiste à avoir un parti réputé populiste aussi puissant alors que son peuple ne se veut que simplement raisonnable.
Bien entendu, Macron pourrait par une nouvelle dissolution rebattre les cartes. Mais, comme disait Kipling, ceci est une autre histoire.
Excellent! Quant au Président actuel, je me demande si la seule explication possible à ses positions bizarres ne serait pas qu'il a pour mission d'effacer la France, Nation qui gêne beaucoup de monde.