Un testament vide
- André Touboul
- il y a 4 jours
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Il n’avait rien à annoncer. Il le fit donc longuement. L’intervention télévisée d’Emmanuel ce mardi 13 mai, paru, à l’image de son mandat, interminable. Tant et si bien que plusieurs commentateurs se crurent obligés de préciser que, par conscience professionnelle, ils y avaient assisté de bout en bout.
Le téléspectateur lambda s’interrogeant sur la nécessité de cet prestation présidentielle devra convenir que le Chef de l’Etat y a fait preuve de courage en affrontant des adversaires tels que Mmes Binet, Secrétaire générale de la CGT, et Verdier-Molinier, Directrice de l’IFRAP, ainsi que Robert Ménard, le très médiatique Maire de Béziers.
Ce qui était conçu comme un tournoi de joutes successives dont le Président devait sortir vainqueur, fut en vérité un exercice de témérité. En effet, si au cours du Grand Débat, et en quelques autres occasions Emmanuel Macron a démontré son talent de persuasion, il le faisait en dominant son auditoire, corps présent, et non par le biais des étranges lucarnes, un exercice où il n’a jamais convaincu.
Le tribunal du petit écran est sans pitié. C’est une épreuve de vérité absolue où ne subsiste que l’essentiel qui est souvent ce que l’on veut masquer. Ainsi l’image qui s’est imposée était celle d’un quinquennat qui s’éternise sans autre nécessité que de durer le temps juridiquement imparti. Se débattant comme un poisson rouge hors de son bocal, le Président, en fin de vie politique, rappelait surtout que 2027 était pour lui un terminus définitif.
Tourné vers le passé, et fort peu l’avenir, il semblait mendier auprès des Français une forme de soin palliatif qui atténue sa douloureuse marche, dont il paraissait vouloir se convaincre lui-même de l’utilité... sans réelle conviction.
Le bilan qu’il a dressé n’était pas faux, mais prématuré, car, point n’est besoin d’être expert comptable pour savoir que c’est à la clôture de l’exercice que l’on arrête les comptes. Ses arguments étaient pour beaucoup pertinents, mais, technocratiques, ils sonnaient creux face à une inquiétude et une colère incarnées par des intervenants fougueux et sans complaisance. Ce fut le Président « power point », venu avec ses « slides », alors qu’il lui aurait fallu aller à l’essentiel et élever le débat sans se perdre dans les détails.
Hélas, sur le fond, Emmanuel Macron, le Président qui refuse de démissionner accumulait les démissions.
Sur l’économie et les vagues de licenciement, il s’est réfugié dans les jupes de l’Europe, certes niveau pertinent de décision pour la concurrence internationale, mais les Français n’ayant aucune confiance dans les capacités et volontés de la technostructure de l’Union, il a surtout inquiété en avouant son impuissance. On a attendu en vain un minimum de critique de l’institution bruxelloise qui aurait convaincu de la pugnacité de notre champion.
L’homme aux « mille milliards de dette de plus » ne pouvait pas être à l’aise sur la question des finances publiques. Il s’est contenté de justifier le « quoiqu’il en coûte ». Sur l’avenir, sa position de parole libre aurait dû l’amener à déclarer que trop d’Administration tue l’administration, que l’inflation des normes et l’obésité de la fonction publique sont les deux mamelles de l’échec français, que la mauvaise gestion se définit comme l’art de faire moins avec plus d’argent, et moins de travail avec plus de personnel. Il aurait pu rappeler que lui seul s’est attaqué à l’Himalaya de la fonction publique en s’attaquent au problème par la tête, les hauts fonctionnaires, qui ne le lui pardonnent pas. Il aurait pu dire aussi que tôt ou tard la question du statut de la fonction publique devra être tranchée. Cette vérité dont la très grande majorité du spectre politique est convaincue, mais qu’il est interdit de prononcer, il pouvait la dire, et léguer à ses successeurs une vraie feuille de route.
Sur le débat immigration/sécurité, ce fut le déni de réalité, et même le refus de prononcer des mots clivants. Quand aux retraites, le Président a manqué l’occasion de rappeler aux Français que l’immigration massive est une fatale nécessité si l’on refuse de reculer l’âge de départ, et que là se trouve le vrai choix de civilisation, notamment par les bouleversements culturels et sécuritaires que cela induit.
En soutenant la loi sur l’euthanasie, qu’il déclara, sans ciller, une mesure d’humanité, une fois encore, Emmanuel Macron s’en est pris à une morale qu’il juge bourgeoise et il lui fait payer le rejet que sa situation matrimoniale atypique lui a fait endurer. Son « progressisme » sur ce sujet, comme sur bien d’autres, est plus la révélation d’une faille de personnalité qu’une marque de réflexion responsable.
Le seul domaine sur lequel le Président était à l’aise, fut celui de la politique internationale. Face à l’expansionnisme russe, il s’est fait promoteur de « l’ambiguïté stratégique » et acteur de l’alliance des démocraties pour défendre l’Ukraine. Dont acte !
Le futur n’avait cependant pas de place dans le plaidoyer pro domo du Président. Tout juste évoqua-t-il l’éventualité d’organiser un référendum… à objet ou choix multiple… contraignant ou pas ? Certes, donner la parole au peuple est pour les gouvernants un bon mouvement, mais peu crédible à une époque où l’on ne cesse d’opposer au citoyen un Etat de droit qui contrarie ses aspirations les plus basiques. Cette annonce, à l’allure de gadget, était un aveux terrible de vacuité de la pensée présidentielle. Plus que de l’impuissance, c’est une absence de projet de société dont souffre le Chef de l’Etat.
Il n’y a plus de pilote dans l’avion, ou plus exactement celui-ci n’a plus de plan de vol. Le plus consternant est qu’Emmanuel Macron n’est pas le seul de la classe politique à présenter un encéphalogramme plat. Le scrutin consécutif à la dissolution a mis au grand jour l’absence de contenu des programmes politiques. Les uns ne cessant de dire, comme la Bonne du curé d’Annie Cordy, qu’ils « veultent bien, mais ne peuvtent point » ; les autres proposant des solutions cataclysmiques et incohérentes. Quand le personnel politique déraisonne, on ne peut s’étonner que la sagesse populaire refuse de lui donner la main sur son destin.
S’il n’a pas de rôle à jouer dans l’après-Macron, au moins, le Président aurait-il pu montrer la voie, éclairer le chemin. Il n’en a rien fait et l’essentiel est ailleurs.
Le parti Les Républicains va élire dimanche un Président, le Parti Socialiste prépare un congrès, il est impératif qu’il en résulte, dans les deux cas, des lignes claires.
La gauche devra se déterminer sur sa compromission avec les extrêmes antisémites et séditieux, la droite LR devra choisir entre l’alliance avec les centristes d’Edouard Philippe ou traiter avec les bataillons du RN. Là se trouvent les faits politiques qui vont compter. Les discours de Macron, n’intéressent plus grand monde, pas même en tant que testament, car il n’a rien à léguer à la France.
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