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Une démocratie en trompe l’œil, tout changer pour que rien ne change

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 18 oct.
  • 5 min de lecture

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Le personnel politique français est en état de disgrâce. Le sentiment qu’il inspire est la honte. Jusqu’au reniement sur les retraites seul Emmanuel Macron était atteint par le discrédit, désormais celui-ci s’étend à tous les élus qui, sans vergogne, ont contredit les discours qu’ils tenaient la veille.


Le bloc central reconnaît avoir menti en prétendant que la réforme était vitale, puisqu’il y renonce. Les extrêmes qui demandaient l’abrogation se contredisent en censurant un Gouvernement prêt à la faire. Toute même pagaille, dit-on en Haïti.


Au delà de l’impopularité, la méfiance s’installe.


La stabilité aurait dit-on été sauvée par la non censure du Gouvernement Lecornu, telle n’est pas l’avis de Standard & Poor’s qui évoque l’instabilité politique pour dégrader la note du crédit souverain de la France. Des millards d’agios s’évaporent du fait d’un  Parlement déboussolé auquel le Gouvernement se plie et confie le volant pour gérer la sortie de route. Il est difficile d’y voir autre chose qu’une démission inavouée. Plus que jamais, l’Etat est un bateau ivre, et l’on s’attend à ce que les « indiens criards » clouent  nus les rameurs à des poteaux de couleurs. Ce sera sur les marchés financiers ou dans les urnes, sans doute les deux à la fois.


Si l’Assemblée Nationale, où l’on assiste déjà à la foire au jambon et à la saucisse fiscale, avait une once de dignité, elle devrait elle-même s’auto-dissoudre pour retrouver un semblant de légitimité. Elle n’en a pas la faculté, sauf à censurer tout les gouvernements qui seraient nommés. Le Premier Ministre devrait déclarer forfait sans attendre, car son maintien n’est que prolongation d’une instabilité catastrophique. Mais aussi, le Président devrait annoncer son départ anticipé, du fait que le peuple ne l’écoutant plus, il n’a plus rien à faire à sa tête.


On décrit Emmanuel Macron comme un pervers narcissique. Ce diagnostic est discutable, car les personnes atteintes de cette grave pathologie se caractérisent par le fait qu’elles trouvent leur plaisir dans les souffrances qu’elles infligent à leur proies. Or, s’il est exact que, comme la plupart des autres Présidents en exercice, Emmanuel Macron est narcissique, il est difficile de prétendre qu’il entende martyriser sciemment le peuple français pour son égoïste satisfaction. Un regard plus objectif serait de le voir en Président convaincu d’avoir raison contre tous, envers et contre tout, ce qui ferait plutôt de lui une personnalité narcissique paranoïaque.


C’est peu de dire que les Français ne l’aiment pas. Et lui-même confie « dans ma position la solitude est ma meilleure compagne ». Il fait penser à Ouragan sur le Caine, ce roman de Herman Wouk, où le capitaine incarné à l’écran par Humphrey Bogart soupçonné de paranoïa est relevé par son commandant en second.


Ce scénario est précisément celui auquel on assiste quand Edouard Philippe demande au Président de démissionner. On a parlé de trahison, pour aussitôt ajouter que tous les politiques ont trahi pour arriver au pouvoir. Certes, mais ces déloyautés se produisaient en coulisses, avec ce qu’il faut d’hypocrisie pour ne pas insulter l’avenir. Aucun n’a exigé que le Président en place démissionne. Ni Pompidou, ni Sarkozy, ni Macron n’ont invité De Gaulle, Chirac et Hollande à jeter l’éponge.


Emmanuel Macron, venu de nulle part, a été porté au pouvoir quasi-monarchique de la présidence par une élite prétorienne qui espérait le contrôler.  L’idée vendue à l’électeur était que  l’on pouvait dépasser les insuffisances de la gauche, de la droite et du milieu en retenant le meilleur de chacun,  ce que pourrait, bien évidement, faire une méritocratie éclairée.


Non seulement ce projet a échoué, mais Macron a trahi ceux qui l’ont promu. Cette caste de serviteurs de l’Etat qui a largement essaimé dans  les médias publics et l’économie des grandes entreprises, s’est retournée contre l’empereur ingrat et a depuis longtemps choisi  son nouveau champion. Edouard Philippe, l’un des leurs.


L’équipage déteste le capitaine Macron. Tout ce qui vient de lui est rejeté. Ce rejet par l’élite s’est étendu à l’ensemble de la population française. Et par voie de conséquence il est devenu le cheval de bataille des partis politiques avides d’en récolter les  fruits, même si ceux-ci sont avariés.


La réforme des retraites doit être abrogée, estime une majorité écrasante de Français qui savent néanmoins que tant l’âge que la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite décente seront inéluctablement  augmentés. De même, la taxe Zucman qui prétend ne concerner que quelque hyper-riches est massivement approuvée, bien que personne n’ignore que pour avoir un rendement financier réel elle devrait être appliquée à la classe moyenne. Peu importe, c’est un réflexe anti-Macron, Président des ultra-riches. L’estampille Macron est désormais radioactive. Les Français n’en attendent plus rien de bon, et, fait plus préoccupant, ils en craignent le pire. Tout sauf Macron, est acté depuis les dernières législatives, où son propre parti l’avait banni de ses affiches.


Dans un autre régime politique le Président pourrait se mettre en retrait, il pourrait encore le faire par une cohabitation avec une majorité opposée et attendre comme l’on fait d’autres Présidents la fin de son mandat, mais en l’espèce présente où il n’existe aucune majorité, son rôle reste prépondérant, car il faut bien que le pouvoir soit assumé. Et c’est bien ce qui est de nature à inquiéter ceux qui se défient de lui.


L’idée qui infuse dans l’opinion est désormais que Macron parti, tout deviendrait possible.


On peut en douter. Si, comme l’élite d’Etat le souhaite, Edouard Philippe venait à succéder à Emmanuel Macron, ce serait blanc bonnet qui remplacerait bonnet blanc. Le retour de l’homme des 80 km/h, et des Gilets jaunes, celui qui a fait capoter la première réforme Macron des retraites en y introduisant un élément paramétrique, ne serait rien d’autre que de restaurer la technocratie dans toute sa toxicité. Patiemment et méthodiquement les Français ont été préparés à cet avénement.


L’exécuteur souriant de Macron a été depuis des années désigné comme « personnalité politique préférée des Français ». Cette stratégie, préparant l’alternance dans la continuité technocratique, tendait à faire oublier que c’est Edouard Philippe, plus que Macron qui a mis les Français dans la rue. Elle pourrait réussir, car, comme réalisé pour désailer Fillon en 2017, le nécessaire a été fait pour écarter Marine Le Pen. Les LFI étant les nouveaux parias, il n’y aura pas de candidature unique de Mélenchon pour la gauche. Quant aux LR, ils sont en voie d’auto-disqualification, et de toute manière Retailleau et Wauquiez s’entretueront, ils ont déjà sorti les poignards à cet effet.


La température anti-Macron va monter, très fort et très vite. En effet, l’intérêt de l’élite d’Etat, qui s’étend au contrôle des présidences du Conseil Constitutionnel, du Conseil d’Etat, de la cour des Comptes… etc, est de provoquer des élections avant qu’Edouard Philippe ne dégringole trop dans les sondages, et ne rejoigne la vérité de sa popularité réelle. Personne ne pense sérieusement aujourd’hui que dans un choix de second tour entre Bardella et Philippe le premier pourrait l’emporter.


Il faut donc que le balais balaye ce qui apparait comme un ancien régime honni, pour que le peuple des enfants capricieux soit satisfait, et que les adultes du cercle de la raison reprennent en main les destinées de la France. Telle est notre démocratie en trompe l’œil. Tout changer… pour que rien ne change, dirait Giuseppe di Lampedusa, auteur du roman Le Guépard, dont fut tiré un film inoubliable.


Les Français seront-ils les « veaux » que disait De Gaulle, pour se laisser berner une  fois encore ou trouveront-ils le chemin de leur émancipation ? La question va bientôt leur être posée. A eux de savoir y répondre.

 
 
 

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