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Villers-Cotterêts 1539, une ordonnance pour l’éternité

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 18 nov. 2023
  • 5 min de lecture



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Le camp du Drap d'Or est le nom donné à la rencontre diplomatique qui se déroula entre le roi François 1er et Henri VIII d'Angleterre du 7 au 24 juin 1520. Rarement deux personnages aussi majeurs eurent l’occasion de se rencontrer.


Chacun de ces deux rois a marqué ses sujets pour l’éternité. Henri VIII en ouvrant l’Angleterre au protestantisme qui marquera l’Empire britannique à jamais. François 1er lui fut le fondateur de la nation française autour de sa langue, à la place du latin langue des clercs, mais surtout contre les langues diverses qui avaient cours dans le Royaume. La France a commencé pour les uns à la Révolution, pour d’autres au baptême de Clovis, les uns et les autres méconnaissent ce qu’est la substance de la nation française.


Comme le Coran est avant tout « un livre en arabe clair » pour l’Islam, la France est dans sa substance une nation dont la langue est la colonne vertébrale, la chair et le sang.


Les particularistes qui réclament le retour aux langues régionales, et n’ont aucune littérature à proposer, se contredisent en soutenant qu’une langue est l’âme d’un peuple et veulent réduire celle de leur territoire à un parler sans grands auteurs.


Mais il y a pire. Il y a ceux qui au prétexte de modernité féministe défigurent la langue au point d’en faire un charabia incompréhensible et laid. Les tenants de l’écriture inclusive, et ceux qui veulent féminiser les mots au mépris de l’euphonie ne sont pas seulement des faiseurs d’attentats au bon goût, ce sont des blasphémateurs contre ce que l’identité française a de plus sacré. Ce sont des traitres à la patrie.


Ces ignares pseudo-intellectuels veulent oublier que les Lumières sont issues de la langue de Molière. Il n’y a pas de pensée pertinente sans verbalisation, et le verbe façonne les concepts tout autant que la grammaire commande leur articulation.


Avec le Globish, sorte de sabir internationalement entendu et baragouiné, la pensée dominante s’est appauvrie, elle a perdu toutes nuances, ses élégances qui permettaient des échappatoires aux pièges des contradictions du monde. En Français, les mots polyvalents comme « affaire, nature, dimension, etc… » ouvrent des portes au lieu de les claquer. Quand on déclare qu’une « affaire de cette nature est une dimension à considérer », on ouvre des fenêtres sur l’intelligence. L’Anglais, qui est la base du Globish, est à l’inverse une langue où chaque chose a son mot, et chaque mot sa chose. Cet enfermement est commode, mais rétrécissant. Le Français correct devrait être notamment un remède à la brutalité de l’intelligence artificielle, irrémédiablement binaire…


En fondant la légitimité de la langue française par l’ordonnance de Villers-Cotterêts ce 25 août 1539, François 1er fait plus que définir la langue dans laquelle les juges devront rendre justice, pour que leurs arrêts soient « clairs et compréhensibles ». Il fonde la langue dans laquelle le génie français va se couler. Celle qui par la magie de sa richesse fera se frotter les silex d’intelligence universelle qui vont éclairer le monde, ainsi sont nés les écrivains en Français clair que furent les Encyclopédistes, les philosophes des Lumières, mais aussi Victor Hugo et Emile Zola.


La mission de la langue Française ne s’arrête pas à ce progrès décisif que beaucoup considèrent comme de l’arrogance, elle est un lien majeur entre tous ceux qui croient dans la vertu d’une discipline du verbe qui porte en elle une culture humaniste à vocation universelle.


La France d’aujourd’hui peut compter sur l’assimilation par la langue, mais à condition de ne pas la laisser aux mains de saboteurs. Mais il faut que l’on redonne à la littérature une place centrale dans l’enseignement. Pour l’heure, on doit constater que ce sont les quartiers où le français est en déshérence que la République n’est plus chez elle.


Certes les mathématiques sont une nécessité pour le développement intellectuel, mais la haute maitrise de cette discipline n’intéresse qu’une infime part de la société. L’immense majorité de la population n’aura jamais besoin de plus que la règle de trois dans toute sa vie professionnelle. Quand à la preuve par neuf, elle reste un vague souvenir pour beaucoup. On ne communique pas en chiffre mais en mots.


La fréquentation des grands auteurs est, plus encore que l’algèbre, un formatage de l’esprit.

A l’heure où l‘écriture phonétique des tweets déconstruit les esprits, la transmission du génie de la langue à ses locuteurs devrait être une ardente obligation de l’enseignement national. Les enseignants qui veulent faire moderne, en martyrisant la langue de nos pères pour la plier aux lubies wokistes, sont les pires ennemis de la France. Ils osent tout. Non seulement, on doit déplorer la dictature des censeurs qui à l’imitation des sensitivity writers américains, organisent la police de l’imaginaire, stérilisant ainsi l’avenir ; mais encore, il y a ceux qui voudraient réécrire les classiques pour les rendre conformes à leurs obsessions. Les ennemis de Voltaire n’ont aucun droit à la tolérance. Une chose est de contextualiser les écrits des grands auteurs, les situer dans leur époque, une autre est de mutiler leur écrits. Par cette chirurgie barbare, c’est à leur portée universelle que l’on attente.


Parmi les responsables de la ruine de la langue française, les entreprises de négoce tiennent un rang non négligeable. Pour elles-mêmes et leurs produits, elles cultivent une image qu’elles croient vendeuse. Le commerce est le domaine de ce que les juristes désignent par le dol. Ils distinguent le dolus bonus du dolus malus. Le premier est le droit de tout vendeur de faire l’article, vanter sa marchandise, mais il vicie le consentement quand il dégénère en mensonge sur les qualités, expressément ou par omission ; ce dolus malus va, en effet, jusqu’à la réticence dolosive.


Par le même dol vicieux que les entreprises et leur bras armé les publicitaires font du green washing qui tend à se concilier les consommateurs soucieux d’écologie, les commerçants qui s’adressent à un public français, font des emprunts à l’anglais qu’ils sont parfois contraints de traduire dans leurs réclames.


Vainement, on leur objecterait que ce recours saugrenu est un appauvrissement sémantique, ils le savent et c’est justement l’effet qu’ils recherchent. Leur mental en est resté aux vieilles lunes de la sociologie marxiste qui postule que les masses sont aliénées et abruties par essence. Pour vendre massivement aux masses, il faut les considérer comme dépourvues de sens critique, uniquement sensibles aux effets de mode. Ne nous leurrons pas, les publicitaires jouent les idiots parce qu’ils sont convaincus de s’adresser à des idiots, et qu’ils pourront pourront ainsi mieux les jouer.


Emmanuel Macron, qui se targue de discourir en anglais fluent, et s’est fait coller à Normale Sup lettres, n’est pas spécialement qualifié pour défendre la langue française qu’il n’illustre pas vraiment. Sa visite à Villers-Cotterêts pour inaugurer le musée de la langue française installé dans le château de François 1er, peut avoir aux yeux de bien des gens l’allure d’une oraison funèbre. C’est pourtant une petite victoire que cette révérence à l’identité française séculaire de la part de celui qui voulait faire de la France une start-up nation. On gouverne la France d’abord par le verbe, et il faut, en conséquence, apporter tous ses efforts à cette élégance. Quand Emmanuel Macron l’aura compris, il saura pourquoi il n’a jamais conquis le cœur des Français.



 
 
 

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