Zemmour ne rime pas avec amour
- André Touboul

- 13 sept. 2021
- 3 min de lecture

Panique sur les plateaux. Sur la 5 chacun y va de sa citation des propos infames de l’horrible Zemmour. On s’attend d’une minute à l’autre à ce que l’un de ces irréprochables "journalistes" nous révèle qu’il est le fils naturel d’Hitler. On apprend déjà qu’il est pire que Le Pen, père, bien entendu. Il voudrait organiser des déportations massives nous dit-on.
Impensable n’est-ce pas ? Mais crédible, car ce Juif d’Algérie se souvient sans doute du million de pieds-noirs rapatriés, dont la spontanéité de quitter la terre natale relevait de l'instinct de survie. Allons Messieurs, il faut être sérieux, n’écoutez pas votre haine. Certes, Zemmour n’a pas toujours raison, il tutoie parfois la légalité et parfois l’outre-passe, mais il dit ce que les autres n’ont pas le courage de dire. II y a un certain nombre de Français qui n’aiment pas du tout la France, et, parmi eux, ceux qui y sont nés de parents immigrés en provenance du Maghreb sont quelques-uns ; ils ne s'en cachent pas.
Quand François Bayrou interrogé sur Zemmour déclare que la France n’est pas une race ni une religion, mais une adhésion, il croit se démarquer du polémiste, mais il dit la même chose. Sauf que pour Bayrou tout le monde adhère. Jean Yanne aurait ajouté : "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil".
Le problème Zemmour, et il y en a un, c’est qu’il dit ce que l’homme de la rue constate : il y a un défaut d’adhésion de certains, non seulement à la République, non seulement à la France, mais à la civilisation européenne. Sans doute Zemmour se fourvoie quand il prétend que la religion musulmane est par nature un terreau favorable à l’islamisme politique. Cela n’en fait pas un raciste. Il faut et il suffit de lui opposer que la lutte contre le djihâdisme d’atmosphère dont parle aussi Gilles Kepel est perdue si l’on oppose la religion musulmane et la France. C’est en étant intraitable sur l’assimilation, qui est une intégration d’adhésion, que le combat se mène, pas en se déclarant battu d’avance. Le problème de Zemmour est qu'il est défaitiste.
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ne s’est pas couvert de gloire en minutant son temps de parole, il lui a plutôt servi la soupe et permis de se présenter comme victime, ce qui de nos jours est un must.
S’indigner comme Patrick Cohen, le Saint-Just de la télévision d'Etat, de ce que Zemmour puisse s’exprimer sur les ondes et paraître dans les étranges lucarnes, fussent-elles privées, est digne de cet apparatchik, qui se croit seul détenteur de ce qui peut ou non être dit, et qui croit tout savoir mais ignore que la meilleurs manière de combattre un adversaire qui a tort est de lui donner la parole.
Sommer le journaliste Zemmour, comme le font quelques-uns, de se déclarer candidat n’est pas plus cohérent. On n’exige pas d’Emmanuel Macron qu’il se prononce sur son éventuelle candidature. Et quand il sera candidat, nul ne songera à lui demander de cesser d’exercer ses fonctions.
A force de maladresses et d'imbécilités l’on parviendra à donner de la crédibilité de présidentiable à un candidat qui n’en a pas, ne bénéficiant seulement que d’une belle notoriété dans son métier de polémiste.
Il manque, en effet, à Eric Zemmour des rudiments d’économie, et sans doute une vision d’avenir.
En économie, il est partisan farouche de la sortie de l’euro, lui donner le pouvoir serait confier la conduite d’un bus scolaire bondé d'enfants à un alcoolique en plein délirium tremens.
Sur l’avenir, il est incapable de sortir des rétro-schémas de l’Europe des nations au nom desquels il voudrait abolir l’Union, alors que si l’organisation future de l’Europe est à construire, la France n’a aucun avenir hors d’une union qui peut faire entendre sa voix et qu’elle peut influencer, sinon conduire. Prendre prétexte des défauts de l’Union d’aujourd’hui pour rétrograder d’un siècle, ce n’est pas une vision d’avenir.
Quand on fait à Zemmour un mauvais procès en déficience d’humanisme, cela manque de bonne foi, et ne fait que distraire de l’essentiel : le personnage n’est pas du niveau requis pour diriger le pays. On dira que plusieurs autres prétendants sont loin d’avoir l’envergure nécessaire pour conduire la France, mais au moins ils sont, peu ou prou, entourés de formations politiques qui les soutiennent, alors que l’homme de CNews est seul.
Aux dernières nouvelles, Zemmour n'est même plus de Cnews, la chaîne ayant supprimé son émission quotidienne du fait de la décision du CSA. Le voici victime de la censure d'Etat. Une bonne gâche puisqu'il va sillonner la France pour vendre son dernier livre... on ne peut pas être partout, même quand on est un supporter de Pétain (un autre défaitiste) dont le journal le plus fidèle était justement Je suis partout !. Tout cela est de la bonne cuisine éditoriale, quant à la politique bonne, comme la vie bonne, c'est une autre affaire.
*
Commentaires