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Éviter la chute de l’empire américain

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 31 juil.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 août



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Les lamentations des médias et experts qui se couvrent les cheveux de cendres à l’annonce de l’accord de principe intervenu entre Van de Leyden, au nom des 27 de l’UE, et Trump sont d’une telle unanimité qu’elles pourraient faire oublier des évidences économiques de base.


On parait, de tous côtés, avoir oublié que, dans les échanges commerciaux entre les nations, le monétaire et le réel peuvent être déséquilibrés de manière conjoncturelle, mais que, sur le long terme, il est impossible que les uns travaillent et les autres consomment, les premiers se contentant de recevoir de la monnaie.


En effet, l’or et l’argent ne sont pas inépuisables pour les acheteurs/consommateurs. A terme, ils en viendront à ne plus pouvoir payer. Même si l’on remplace les métaux précieux par du papier ou d’autres signes immatériels, la capacité de les faire accepter par les vendeurs n’est pas sans limite.


Il est donc indispensable que le système se rééquilibre, sauf si les Etats importateurs exercent une domination militaire sur ceux qui travaillent à leur profit. La force armée est une manière de s’emparer des richesses produites par d’autres peuples ou de leur voler leurs matières premières.


On enseigne dans les écoles de commerce que l’exportation est un souverain bien, mais l’économie politique oblige à ne jamais perdre de vue que l’exportation est un appauvrissement en termes réels. Les économistes d’aujourd’hui sont obnubilés par le monétaire et le commerce, ils en oublient les fondamentaux. Leur vision conjoncturelle les a empêchés de prévoir la fin inéluctable de la « mondialisation heureuse », et en tout cas ses limites.  Le partage de l’humanité entre ceux qui travaillent et ceux qui consomment ne peut être qu’un modèle par essence transitoire.


Dans un monde pacifique, où ce n’est pas la force armée qui dicte les  échanges, des mécanismes de rééquilibre du commerce réel sont nécessaires.


Les taxes douanières sont avant tout des procédés de protection destinés à modérer la demande intérieure des pays qui ne possèdent pas assez de devises pour régler leurs achats, et doivent emprunter. Or l’emprunt n’est qu’un report de l’obligation de fournir une contrepartie réelle.


Il est étrange d’entendre les Européens s’indigner de devoir s’engager à acheter du gaz et des armes à l’Amérique pour trois raisons  : la première est qu’ils en ont pour la plupart besoin, ensuite que ce ne sera pas l’UE qui peut décider d’acheter, mais que chaque Etat le fera à son gré, la troisième est qu’en termes réels, ce sont les Etats-Unis qui  s’appauvrissent.


Loin de signifier un regain de puissance américain, le trumpisme est une prise de conscience de ce que les Américains ne  pouvaient plus durablement consommer en faisant travailler les Chinois,  ni plus largement l’Asie. MAGA ne veut pas dire impérialisme, mais remise des Américains au travail.  Make America Great Again, est l’aveu que les Etats-Unis ne sont plus «Great ». Il s’agit, en fait, d’éviter la chute de l’empire américain.


Bien qu’il soit profondément antipathique, Trump a incontestablement raison sur  plusieurs points dans la relation des USA avec l’Europe :

  • les Etats-Unis importent structurellement plus qu’ils n‘exportent vis-à-vis de l’UE, et cette situation ne s’inverse pas naturellement, les exportations de services ne parvenant pas à compenser les écarts d’importation de biens physiques,

  • les Etats-Unis supportent un surcoût  pour la protection militaire de l’UE, qui longtemps s’est contentée de toucher les dividendes de la paix sans investir pour sa propre défense,

  • les Etat-Unis, dont la monnaie n’est plus une valeur en soi et n’est plus gagée sur une économie forte, n’ont plus les moyens d’assumer cette charge, étant dans l’obligation de se sevrer des produits asiatiques, et à cette fin subventionner leur industrie, d’où les menaces de retrait de l’OTAN.



Les droits de douane infligés par Trump sont dénoncés comme des agressions, mais ils répondent à deux nécessités liées. La première est que le déficit commercial US entraîne un dette publique des Etats-Unis abyssale et non maîtrisable qui atteint des niveaux records (122 % du PIB prévus en 2025). Les dollars vont des poches américaines vers l’étranger, et le Trésor US emprunte de plus en plus à l’étranger. Quand celui-ci est chinois, un concurrent commercial, c’est la souveraineté des Etats-Unis qui est menacée.


Tous et chacun reconnaissent l’effectivité de ces faits, mais chacun et tous s’empressent de les passer sous silence quand il s’agit de répondre à Trump. Nul ne propose de solution organisée pour rééquilibrer les flux.  On crie au chantage, à la violation du droit international (?), et l’on exhorte Mme Van der Leyden à se montrer ferme (?). On l’accuse de soumission à Trump qui abuse de sa puissance alors qu’il s’agit pour lui de mettre fin à une situation de faiblesse des Etats-Unis. Les plus stupides parlent de mesures de rétorsion, tout en reconnaissant que l’UE n’en a aucune praticable à disposition.


E. Macron déplore que l’Union Européenne n’ait pas été crainte, l’appelant à être une puissance. On ne peut mieux illustrer la nature incantatoire de la parole du Président français. Les euro-sceptiques auront beau jeu d’ironiser sur un « machin » technocratique qui ne sert à rien dans les épreuves, et nous complique la vie. Mais ce sont les gémissements qui sont largement injustifiés, quand il s’agit de rééquilibrer les échanges UE/USA. Bien entendu Trump ne manque pas de triompher, le triomphe est dans sa nature, mais dans un deal nécessairement perdant/perdant, où est la victoire ?


Bien entendu, les entreprises européennes qui vendent aux USA vont souffrir, l’activité générale va en pâtir, et de nombreuses entreprises vont disparaître ou se réorienter. Mais, la solution à ce problème est plus dans le rééquilibrage urgent des échanges avec l’Asie que dans un concert de pleureuses.


Les Européens devraient sans aucun doute s’inspirer du modèle américain pour se protéger du dumping chinois. La souveraineté politique n’existe pas sans souveraineté économique.


La relation acheteur/fournisseur est une interdépendance qui ne peut durer que si elle est conjoncturelle et réversible,  et que si elle ne conduit pas à détruire le tissu productif des importateurs.


Pour faire face au défi US, les Européens devraient se concentrer sur les investissements dans le numérique et l’IA, pour s’affranchir de leur dépendance à cet égard. A cette réplique les Américains et Chinois ne pourront rien reprocher.


L’empire romain s’est construit sur des conquêtes, et a prospéré par une garantie de sécurité offerte par Rome. Il s’est effondré quand elle l’a sous-traitée en payant des peuples barbares à ses marches pour l’assurer. L’âge sombre, qui a suivi, a affecté tout le monde romain.


Il est clair que la chute de l’empire américain ne profiterait pas à l’Europe, et il nous en coûterait encore plus cher que ce qui est exigé pour l’éviter. Trump nous demande de moins travailler pour les consommateurs américains et plus pour notre défense. Nos dirigeants, qui ne savent penser qu’en termes financiers et à court terme, s’en offusquent bien à tort.

 
 
 

1 commentaire


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01 août

C ‘est très clair pour les gens qui raisonnent sur les faits.

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